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heat waves (peter)
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heat waves
@peter moore

La lumière tamisée du théâtre avait pris sa teinte dorée habituelle, laissant une aura magique flotter autour de la scène. Le cours touche à sa fin, et Alba ressent une sérénité inhabituelle. Elle est apaisée, étonnamment douce, bien loin de ses éclats de colère et de sarcasmes habituels. Ce soir, ses mots tranchants n'ont blessé personne et elle se sent en paix, comme si le théâtre était son sanctuaire, son havre de tranquillité. Lorsqu'elle attrape son sac à main, Andy, un autre comédien, s'approche d'elle. Elle tourne la tête vers lui, arborant son air dédaigneux habituel, scrutant sans la moindre gêne chaque centimètre de son être. « Tu veux quoi ? » lance-t-elle, sans la moindre délicatesse. Alba est réputée pour son arrogance et Andy connaît bien ses manières pour avoir déjà subi plus d’une fois son impertinence. Il réagit avec calme à sa rudesse. « On va boire un verre, si tu veux venir… » Mais avant même qu'il puisse finir sa phrase, elle a déjà remis l'anse de son sac sur son épaule, semblant déjà perdre d'intérêt ce qu’il dit. Cependant, Andy persiste, imperturbable. « Sarah vient, Fiona et Peter. » Le simple nom de Peter, ce nom qui résonne dans son esprit comme une mélodie envoûtante, fait rater un battement au cœur d'Alba. Elle pose à nouveau les yeux sur Andy et regarde par-dessus son épaule, découvrant Peter en train de rire. Ses lèvres s'étirent involontairement, mais elle reprend bien vite son masque d'indifférence, sentant le regard insistant d'Andy sur elle. « Ok, je viens. » articule-t-elle enfin. C'est une surprise pour tous, car Alba est celle qui se mélange le moins, prétextant souvent qu'elle n'est pas amie avec eux, mais que ces comédiens sont simplement là pour mettre en lumière son propre talent.


Assise sur la banquette inconfortable du bar, choisi par ses camarades, elle pianote rapidement sur son téléphone pour prévenir son jumeau qu'elle risque de rentrer un peu plus tard, même s'il se moque certainement de son emploi du temps, plongé lui-même dans ses propres préoccupations. Ils ne sont plus que trois, car Sarah et Fiona se sont désistées au dernier moment. Elle se trouve donc à la droite de Peter, Andy à sa gauche. C'est la première fois qu'elle est aussi proche de lui en dehors de la scène et elle se sent presque intimidée par sa présence. Cette proximité la pousse à montrer un aspect d'elle-même qu'elle ne connait pas, une part vulnérable, une Alba un peu plus niaise et cela l'irrite presque de ressembler à une adolescente devant son crush, une image qu'elle méprise. Cependant, elle ne peut s'empêcher de jeter des coups d'œil furtifs vers lui pendant qu'Andy monopolise la conversation avec son récit. Elle remarque sa prestance, sa simplicité élégante même dans ses habits ordinaires. Perdue dans ses pensées, elle est rappelée à la réalité par une question d'Andy. Elle le regarde avec un air moins intéressé et lui dit, provocante : « Et si tu allais nous chercher des bières plutôt que de nous fatiguer d'histoires sur ton ex ? C'est probablement à cause de ça qu'elle t'a quitté, tu es le mec le plus ennuyeux que je connaisse. » Elle lui un rictus cynique, tandis qu'Andy reste interloqué par ses mots. Il bafouille quelques excuses avant de se lever pour obéir à sa demande. Alba finit par tourner la tête vers Peter, étonnamment heureuse et troublée de se retrouver en tête à tête avec lui. « Tu... Je... J'ai adoré ton interprétation tout à l'heure. » avoue-t-elle, se mordant la lèvre, se sentant incroyablement maladroite, elle qui d'habitude a toujours le mot juste dans n'importe quelle situation. « C'est rare que tu acceptes les sorties avec les autres. D'habitude, tu es le premier à rentrer… » Elle jette un regard furtif à sa main, regardant l'anneau à son doigt. Elle se doute que s’il rentre aussi vite, c’est pour elle. Alba n'a jamais rencontré sa femme, mais elle ressent une pointe d'envie à l’idée de la relation qu’ils doivent entretenir.


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HEAT WAVES

trigger warning : age gap, infidélité.
Un peu malgré lui. Une question qu’il a mal compris sur l’instant. Quel idiot. Ce n’était qu’un verre après tout. Boisson pour fêter quelques répétitions fructueuses avaient-ils dit. N’était-ce pas se porter le mauvais œil pour la suite ? Une suggestion à laquelle aucun ne sut répondre. Peut-être ne voulaient-ils que relâcher la pression, loin des yeux perfectionniste de leur metteur en scène. Ancienne lumière de Broadway, il pouvait parfois se montrer sans pitié avec ses propres protégés. Peut-être devait-il à son tour lâcher prise ? Un verre ne devrait le damner pour l’éternité. Romy était avec la baby-sitter, Eileen travaillait. Quelques heures pour lui ne seraient un crime. Qu’est-ce qui le retenait réellement de suivre ses collègues du club ? Instinctivement ses yeux s’étaient posées sur elle. Interdit aux cheveux noir de jais dont le regard sombre l’avait bien trop tourmenté ces derniers temps. Elle qui n’allait jamais à ce genre de sorties. Ridicule. Ses craintes n’étaient que des gardes fous d’illusions. Alba était de celles qui préféraient rentrer chez elle pour surement répéter que de trainer avec les gens qu’elle dédaignait à peine. Finalement, sans doute que cette acceptation fortuite serait le moyen de décompresser loin de tout. Enfin. Si seulement. La surprise avait été grande quand son regard a vu la petite brune suivre le petit groupe quitter le théâtre pour un bar à côté. Deux des membres finirent eux aussi par les abandonner, une pour un imprévu et une autre pour une raison obscure. Des désistements qui inquiétèrent un peu plus le cœur du trentenaire. Se retrouver tout seul avec, certes Andy, mais surtout Alba. Il n’avait pas prévu ça et encore moins dans ces conditions. Dans sa poitrine, son myocarde commença à tambouriner un peu trop fort. Heureusement, les récits ennuyeux à mourir de leur camarade sembla monopoliser toute leur attention – ou du moins essayait-il d’écouter avec un minimum d’intérêt malgré une cuisante envie de prendre ses jambes à son cou. Ce qui n’était pas une mauvaise chose, il détestait parler de lui-même, il préférait laisser cela aux autres. Une histoire de femmes à dormir debout. Andy était réputé pour ses histoires de cœurs larmoyantes où sa personnalité face avait toujours fait défaut. Pauvre garçon. S’en était presque touchant si cela n’avait pas été pitoyable. Il ne s’en rend pas compte, il se lance dans ses récits sans voir la force qu’il fallait aux autres pour les entendre.  Quelle plaie.

Presque comme un miracle, une voix s’élève et met immédiatement tout le monde d’accord – ou presque. Le regard du pauvre Andy s’assombrit quelques instants avant que ne revienne quelques lueurs. Alba n’a définitivement pas sa langue dans sa poche. Une chose qu’il admire quelque peu, lui qui n’a jamais su élever sa voix au-dessus de celles des autres. Après quelques excuses barbouillées, leur collège alors se lève pour remplir la nouvelle tâche donnée par la benjamine. Quand celui-ci est assez loin, il se tourne vers sa gauche où elle était assise. Proximité qu’il avait tentée d’oublier dès l’instant où il s’était tous les trois assis. « Tu risques de le traumatiser le pauvre. » remarque-t-il avec néanmoins un sourire qui se dessine sur ses lèvres. L’honnêteté de la jeune femme, à la limite de l’impolitesse, était plus que connue dans les rangs du théâtre. Alba était cette effrontée qui n’était là que grâce à sa passion théâtrale. Il n’était que des pions qu’elle manipulait avec soin pour se mettre en lumière. Ce n’était pas forcément prétentieux vu le talent réel qu’elle avait. C’était indéniable. Pour cette raison que son compliment le prit pour ainsi dire au dépourvu. Elle n’était pas ce genre de personnes. C’était presque étrange de la voir dans ce registre, elle qui ne rendait de compte à aucun. « Merci. La tienne n’était pas mal non plus. » précise-t-il. Il n’était pas forcément à l’aise avec les compliments. Son ton était bancal, presque trop fragile pour cette petite force de la nature. Chose qu’il préférait ignorer ou du moins ne pas relever. Il devait arrêter de tout analyser ainsi. « J’ai quelques … obligations. » commence-t-il ne sachant réellement quoi répondre. La réponse réelle lui semblait bien trop indécente et compliquée à verbaliser. Alba ne devait rien savoir, tout ceci ne devait être qu’une passade. Quelques sensations qui devraient disparaitre aussi vite qu’elles sont apparues. Il n’était pas ce genre d’hommes. Ce feu, il allait l’arrêter. Celui-là même qui lui brûlait le doigt où trônait son alliance. « Eileen, ma femme » ne peut-il s’empêcher de clarifier. Il n’était pas certain de l’avoir mentionnée réellement jusqu’ici. « est infirmière, ses horaires ne sont pas forcément faciles, notamment quand elle est de nuit. Et je n’aime pas faire attendre trop la baby-sitter qui doit surement elle aussi avoir une famille. Ou quelque chose comme ça. » A vrai dire, il était certain que la jeune adolescente, fille d’un couple d’amis, qui gardait sa fille, était l’archétype de sa génération, le téléphone collé à la main dès que la petite Romy s’endormait. Et nul doute que ses soirées n’étaient pas consacrées totalement à sa famille. Des amies, des amours. Qui sait. Il avait été jeune un jour pour le savoir assez. « Tu n’es pas la première à accepter un verre. » finit-il par lui glisser. Simple réflexion qui lui renvoie son propre ascenseur. D’habitude, elle ne participe pas à ce genre de choses. Petite louve solitaire. Finalement, ils se retrouvaient tous les deux. Chacun pour des raisons différentes à fuir le théâtre dès que l’occasion se présentait. « Dans ton malheur, Fanny et Sarah ne sont pas venues finalement. Bien que je les soupçonne de vouloir échapper aux larmes d’Andy. » Ce qu’il ne pourrait leurs reprocher. Andy était un gentil garçon mais il ne se rendait pas compte de l’effet soporifique qu’il pouvait avoir sur les gens. Et sans doute ne pourrait-il remédier à cet aspect fade de lui-même. Il était condamné à n’être qu’ennui. Ces quelques minutes de répit étaient appréciables malgré cette chose qui planait entre eux. Un sentiment qu’il ne préférait ignorer malgré les battements de son cœur, ce traitre. Peut-être devrait-il reprendre son manteau. Peut-être devrait-il rejoindre sa femme plutôt qu’être ici. Pourtant, il n’arrive à se détacher, à courir dans l’autre sens. Tout le ramène à elle, à ces répétitions ce soir. A ce goût sucré qu’il pourrait encore presque sentir sur ses lèvres.
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@peter moore

La piquante Alba vient de laisser éclater sa personnalité acérée une fois de plus. Même en présence de quelqu'un qui éveille en elle des émotions inconnues, elle reste irrémédiablement fidèle à elle-même. La voix d'Andy a toujours eu le don de l'irriter bien plus que ses histoires et elle décide qu'il est temps de lui faire part de son agacement. Pour le bien de Andy. En apparence. En réalité, Alba ne peut résister au plaisir de semer le doute dans les regards de ceux à qui elle adresse son venin. Malgré la différence d'âge, Andy semble prêt à exécuter les exigences de cette jeune femme au caractère aussi tranchant que l'acier. Pourtant, quand ses yeux se posent sur Peter, un trouble la saisit. Ce qu'elle découvre dans les profondeurs de son regard est bien plus profond que le vide qui semble habiter les autres. Il y a une étincelle, un mystère, une force qui la trouble profondément. Alba se sent soudainement idiote d'agir de la sorte face à cet homme qu'elle connaît à peine depuis quelques mois et dont les interactions se limitent aux répétitions du club de théâtre. Elle ne peut même pas dire si, en dehors des scènes qu'ils ont jouées ensemble, ils ont été aussi proches l'un de l'autre. Sa mémoire se pose sur la scène du baiser, un baiser qui a un goût si différent de tout ce qu'elle a pu expérimenter jusqu'à présent. Lorsque Peter prend la parole, elle croit d'abord à un reproche et se prépare à riposter, même en sa présence. Son corps se détend lorsque le visage du brun s'illumine d'un sourire radieux. « Tu devrais plutôt me remercier de t'avoir épargné la partie où il se met à pleurer sur ton épaule. » lâche-t-elle. Elle ne sait pas vraiment si Andy aurait été aussi pitoyable qu'elle le croyait, mais l'alcool a la faculté d'élargir les confidences et d'exacerber les émotions.

Et finalement, la jeune femme panique. Elle n'a pas l'habitude d'être seule en compagnie de cet homme. Pourtant, le bar est bondé, le tumulte ambiant ne laisse place à aucune intimité véritable et pourtant, il monopolise toute son attention. Alors, elle le complimente, chose qu'elle n'a pas faite depuis belle lurette. La surprise se lit sur le visage de Peter, et déjà, Alba aimerait disparaître dans le premier trou qu'elle pourrait trouver. Il lui rend le compliment, ce que n'importe qui aurait pris comme une réponse positive, n’est pas le cas pour Alba. Son jeu est bien au-delà de pas mal. Et si sa colère aurait déjà pris le dessus face à n’importe qui d’autre, elle se modère sans le vouloir face à Peter. « Je pense que tu voulais dire parfait, mais je te pardonne, le niveau n'est pas des plus élevés par ici. » réplique-t-elle avec un sourire fier, sa voix teintée d'un ton impertinent qui lui est si caractéristique.

Alba commence à s'interroger sur les raisons de la présence de Peter. Si sa propre apparition lors de ces petites sorties est rare, celle de Peter l'est encore plus, bien qu'il soit bien plus apprécié au sein du club que la jeune femme, et à juste titre. Il reste d'abord évasif, laissant Alba perplexe quant à la signification de son absence d'informations. Il conserve toujours cette aura mystérieuse et Alba a souvent songé que découvrir davantage sur lui pourrait peut-être la libérer de cette obsession grandissante. Elle n'a jamais souhaité ressentir tout cela, préférant la destruction à la tentation. Et pourtant, elle se retrouve là, sur cette banquette, espérant que la conversation se prolonge, priant pour qu'Andy ne réapparaisse jamais avec les bières et les laisse seuls. Finalement, Peter brise le silence en partageant plus de détails. Eileen. Voilà le nom de la personne qui partage sa vie. Alba imagine que cette Eileen doit être heureuse lorsque Peter la prend dans ses bras, lorsqu'il murmure son nom doucement à son oreille pour réchauffer son âme. Elle se rend compte qu'elle serre le poing, geste que la table cache fort heureusement. Il lui dépeint un schéma familial idyllique, tout ce qui lui fait comprendre que ce qu'elle ressent n'est certainement rien comparé à ce qu'il vit avec sa famille. Elle prend en compte la présence de l'enfant, une réalité qu'elle préférait oublier pour se donner bonne conscience vis-à-vis de ses propres émotions envers Peter. D'ailleurs, au fond, elle n'est pas vraiment sûre de ce qu'elle ressent pour lui. Peut-être qu'il attire simplement son attention parce qu'il est un excellent acteur. Ou peut-être que c'est purement physique, car il est indéniablement bel homme. Elle refuse de mettre des mots sur ses émotions réelles, de peur de devoir les affronter par la suite.

Elle essaie alors de forger un sourire maladroit, un masque qu'elle n'arbore que rarement, pour dissimuler le feu de la jalousie qui dévore tout son être. « La famille parfaite digne d'un film hollywoodien médiocre. » déclare-t-elle, se retranchant derrière le sarcasme, son unique rempart. Il réagit en soulignant qu'elle non plus n'est pas coutumière des sorties. Elle hausse simplement les épaules. « Je n'y vois pas d'intérêt. Et puis, ce n'est pas comme si j'étais la plus appréciée dans la troupe. » En dépit de son rôle incontournable sur les planches, sa place n'est pas aussi assurée dans la sphère privée. Elle n'a aucune affinité avec ses collègues et elle sait pertinemment qu'ils ne désirent probablement pas passer du temps en sa compagnie. Elle se demande même si le désistement de Fanny et Sarah n'est pas dû à sa présence, même si d’après Peter, se serait pour éviter les lamentations d'Andy. « Ou peut-être qu'elles n'ont pas les épaules assez solides pour me supporter. » Cette situation ne la dérange pas le moins du monde, car elle préfère souvent se tenir à l'écart, sachant pertinemment qu'elle est la première à le faire volontairement.

Un instant, elle détourne les yeux pour voir Andy faire la queue près du bar, l'air penaud. « Lui, il est suffisamment idiot pour ne pas se vexer totalement de mes remarques. En revanche, toi... » Elle tourne la tête vers Peter et une nouvelle fois, son regard la saisit, lui retournant l'estomac. Il est bien trop proche et son âme tangue. Malgré tout, elle s'efforce de ne pas perdre pied. « Tu ne sembles pas vraiment te vexer de ce que je dis. » Elle a déjà remarqué ce petit sourire en coin chez lui lorsqu'elle remet en place un autre comédien ayant fait une erreur dans son texte, alors que les autres semblent plutôt offusqués par ses manières. Et c’est ce côté-là chez lui qui la trouble un peu plus chaque jour.
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HEAT WAVES

trigger warning : age gap, infidélité.
L’ambiance autour d’eux les affectait à peine. Autour d’eux, les gens virevoltaient sans qu’aucun ne vienne les impacter réellement. La musique en fond était à peine audible pourtant. Il y avait du monde ce soir au bar malgré un jour de semaine. Pas de repos pour les gens qui voulaient s’amuser un minimum. Pourtant, tout ça, Peter ne le voyait pas réellement. Tout tournait autour de lui mais son regard n’était posé que sur elle. Bulle qui s’était formée dès l’instant où leur collège Andy avait quitté la table, contraint et forcé. Dans un sens, il détestait ça. Prison dorée qui se formait autour d’eux sans qu’il ne puisse s’échapper. S’enfuir maintenant aurait été trop impoli – lâche. De toute façon, quelque chose l’empêcher de partir, de quitter cet endroit maudit. Etait-ce la proximité qu’il ressentait, était-ce ce cœur qui tambourinait un peu trop dans sa poitrine ? Ou bien son regard qui le brûlait à chaque contact ? Il ne savait même plus. Tout ceci n’était qu’une mauvaise idée. Se retrouver ainsi seul avec elle. Quelque chose qui se mélangeait en lui, quelque chose qui le faisait se sentir si atteignable. Il détestait vraiment ça. L’impression de trahir sa femme qui raisonnait à chaque coin de son être. Ils ne faisaient rien de mal. Tout ceci était innocent – comment cela aurait-il pu en être autrement ? Il était surement le seul à ressentir ce trouble si profond, si surprenant. Cette chose qu’il tentait désespérément d’oublier alors qu’elle se tenait si proche de lui. Pourtant, bien moins que durant les répétitions où les contacts avaient été plus étroits pour le besoin de quelques scènes. Etait-ce justement ce contexte qui dédramatisait les choses alors que sur ce tabouret de bar aucun masque n’était mis. Ils étaient simplement eux, loin des lignes qu’on leurs dictait. Et c’était étrangement bien plus vertigineux. Néanmoins, si quelque chose restait étrange, l’atmosphère entre eux restait bon enfant – comme elle a toujours été. Leurs rapports avaient toujours été bons. Et sa réplique le fit rire. Imaginer le pauvre Andy sur son épaule était un spectacle qu’il préférait ne pas vivre. « Oh merci grande sauveuse Alba » déclara-t-il entre deux éclats de rire, joignant ses gestes à la parole en mimant une prosternation avec ses mains. Alba restait fidèle à elle-même en toutes circonstances. Irrésistible malgré lui. Quel dieu lui en voulait autant pour ressentir ça ? Tout ceci était bien trop confus. Presque trop réel. L’admiration – car elle était douée c’était indéniable – se mêlait à autre chose. Une chose qu’il ne préférait pas nommer, qu’il préférait mettre dans les coulisses. Cela était bien trop humiliant, bien trop interdit.

La passion théâtrale les unissait, c’était évident. Sans doute que c’était ça. Une passion commune qui les faisait communier l’un envers l’autre, qui lui faisait ressentir ces choses-là alors que sa propre femme se désintéressait totalement de ça. Alba, faut dire qu’elle était singulière. Atypique. Un petit ovni dans leur troupe d’amateurs de passionnés. Peter ne la connaissait pas vraiment en vérité. Quelques rumeurs qui circulaient ici et là sur son passé, sur sa carrière. Pourquoi une gamine si douée serait restée dans un tel trou paumé en se sachant si talentueuse ? Il n’aimait pas écouter les ragots, les quand-dira-t-on. Peut-être que c’était ce mystère qui l’attirait un peu trop, ou plutôt qui l’intriguait plus que de raison. Une sorte d’aura fumeuse entourée la jeune femme. Et sa manie à se proclamer si fort n’arrangeait rien. Ce n’était pas la modestie qui devait l’étouffer. « Ecraser les autres ne fera pas plus briller ta propre lumière, Alba. » déclara-t-il néanmoins. Lui qui n’avait jamais voulu prendre la place de quelqu’un d’autre, lui qui s’était toujours dédié aux autres plutôt qu’à lui-même, suivant les choix qu’on faisait pour lui plutôt que d’assumer ses vraies envies. Jusqu’à aujourd’hui. Enfin presque. « Et comme tu dis on est dans une bourgade, pas sûr que tu trouves une Audrey Hepburn par mètre carré ici. Mais Broadway doit receler d’étoiles aussi talentueuses que toi qui ne demandent qu’à scintiller. » Etre meilleur parmi les plus faibles, c’était si simple. Mais être le meilleur chez les étoiles dans tous ces constellations déjà si brillantes, cela relevait d’un exploit. Ou d’une chance démesurée d’un hasard bien heureux. Peut-être que s’il en avait su plus sur le parcours de la jeune femme, il ne l’aurait énoncé. Mais cela lui semblait important de le soulever. Si Alba n’avait eu l’occasion de quitter les terres de Bar Harbor, elle ne devait pas forcément en avoir conscience. Elle était encore bien jeune après tout, ayant encore l’occasion de bien des aventures.

Seulement la réalité se rappelle à lui. Indéniablement. Sa femme, sa fille. Celles pour lesquelles il rentre chaque soir. Celles pour lesquelles il ne restait au théâtre trop longtemps. Le prétexte est bien trouvé. Il arriverait presque à se leurrer lui-même, à justifier l’injustifiable avec dextérité. Pourtant, dans son coin, son myocarde s’agite. Il se contracte face au mensonge si éhonté. Presque mensonge. Parce qu’il sait qu’au fond, la baby-sitter pourrait rester quelques temps en plus, que sa femme était présente parfois pour assurer après. Mais, rester signifierait indéniablement se perdre. Se laisser tomber dans des contrées qu’il ne voulait explorer. Il n’était pas tombé aussi bas pour céder à cette tentation. Pour goûter au fruit de l’interdit en dehors des répétitions. Surtout qu’il devait être le seul à penser ça, à ressentir ça. Il se montait la tête. Tenter d’ignorer cette chose qui finalement finissait par occuper tout son esprit. Jusqu’à ce que la vie lui fasse des piqures de rappel. Que l’anneau à son doigt se mette à chauffer à son doigt. Il semblait déceler un ton ironique chez la jeune femme. Si elle savait réellement les tourments qui secouaient son âme, ses pensées dont il finissait par avoir honte d’évoquer dans son esprit. « Je pensais que tu savais que les scripts de ces films sont pourtant souvent assez trompeurs. » déclare-t-il sans en ajouter. Il n’allait pas parler de sa vie conjugale – bancale – à cette gamine. Il essayait de se convaincre. Elle avait un tableau erroné dans la tête, une fausse de la réalité qu’il avait une folle envie de rectifier mais qu’il ne fit pas. Ou presque pas.

Surtout qu’elle enchaina sur quelque chose qui le fit tiquer. Alba était décidée à n’être que cette louve solitaire, cette effrontée que les autres n’osaient réellement approcher. Elle avait ce caractère rebelle que peu arriverait à réellement supporter – il fallait bien l’avouer. Mais au fond, elle était bien plus intéressante qu’elle ne le pensait. Les quelques conversations qu’ils avaient pu avoir en dehors de leurs répétitions le lui avaient bien montré. Mais était-elle prête à s’ouvrir aux autres ? Elle semblait être en colère contre le monde, de vouloir mettre le feu à l’univers entier. Elle était entière, Alba. C’était ce qui lui faisait défaut et que pourtant, il appréciait de plus en plus en elle. « C’est peut être ça ton problème. » commence-t-il doucement. « Ils n’auront jamais l’occasion de te connaître réellement si tu restes dans ton coin. J’suis sûr que t’es plus que ton air renfrogné ou tes yeux révolvers. » tente-t-il alors de lui dire en insinuant de l’humour comme il pouvait pour éviter de la froisser. Elle était facilement vexable d’après ce qu’il avait pu observer et voulait éviter qu’elle ne quitte le bar. Parce qu’au fond, si tout ceci était une très mauvaise idée, il appréciait le moment. Il appréciait sa compagnie et le fait de la découvrir sous un autre jour. Loin de leurs partenaires qui la rendaient cassante, loin des répétitions qui le troublaient bien trop – bien que sa proximité restait une donnée que son propre cerveau avait encore du mal à analyser complètement. Il était persuadé qu’elle serait appréciée si elle faisait un tout petit effort – parce qu’elle le valait bien. Andy était l’un des rares à sauter le pas pour venir par exemple lui proposer une telle sortie par exemple. Bien que Peter ne savait si ce dernier était complètement inconscient, un véritable optimiste ou tout simplement idiot. Peut-être l’un des trois.

Leur pauvre collègue était encore à faire la queue au bar. Son regard suivit celui de la jeune femme pour voir la silhouette d’Andy, les épaules tombantes. Alba ne sembla vouloir lâcher le morceau. Alors il semble réfléchir à ses propos avant de lui répondre. « Tu es honnête. Impolie mais honnête, ça reste une sacrée qualité qui se perd ces temps-ci. C’est appréciable. Tu as beau savoir jouer, tu restes vraie hors des planches. » Et c’était vraiment ce qui l’intriguait. She was a mess. La jeune femme ne prenait aucun gant, elle était entière et le faisait savoir. Elle paraissait néanmoins en colère toute la sainte journée pour il ne savait quelle raison. Elle faisait ce que beaucoup de monde rêveraient de faire. Etre elle-même, quitte à blesser, quitte à dire les mauvaises choses. « Bon je ne te cache pas que la forme pourrait être revue. » finit-il par dire avec un léger sourire sur les lèvres. Parce que si elle semblait dire ce qu’elle pensait, ce n’était pas forcément dans les bons termes. Il allait ajouter quelque chose seulement, son téléphone sonna dans sa poche. Il ne le mettait à vrai dire jamais en silencieux – la vie de père oblige. Il avait néanmoins réussi à filtrer les appels pour ne laisser que ceux importants, de ceux qui savaient qu’il ne devait être dérangé durant ses cours de théâtre que pour urgence – comme sa femme, sa baby-sitter. D’un geste maladroit, il veut attraper son mobile, mais sa main se heurte à la jeune femme. Contact établi. Electrique. Quelque chose qui se trouble dans son regard mais qu’il tente de cacher le mieux qu’il peut. Il ne manquerait plus que ça. Il se sent tellement ridicule. Comme un adolescent qui tombe pour une fille pour la première fois, comme un homme qui découvre les premières sensations de son propre myocarde. « Désolé. C’est… » Il ne finit pas sa phrase, le portable dans sa main. Evidemment. A nouveau, le destin se joue de lui. La vie réelle se rappelle à lui. La petite bulle dans lesquels ils étaient éclate le temps d’un instant. Le message est court, direct. Juste une demande de sa femme, rien de bien intéressant en somme mais aussi significatif pour Peter. Qu’est-il en train de faire vraiment ? A boire un coup avec l’une de ses partenaires, qui lui retourne le cœur à chacun de ses regards ? Et ce n’était pas le pauvre Andy qui allait changer la donne. Il se leurrait bien trop.
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Libérée de la présence encombrante d'Andy, Alba ressent à la fois un soulagement et une anxiété diffuse à l'idée de se retrouver seule avec Peter. Heureusement, la jeune femme réussit à voiler habilement ses émotions derrière une expression empreinte de dédain et un demi-sourire, donnant toujours à son interlocuteur l'impression qu'elle se joue de lui en profondeur. Un masque qui lui sert dans ces instants où elle perd le contrôle, où même les palpitations de son cœur trahissent son calme apparent, s'emballant au simple croisement de son regard avec celui du brun. Lorsqu'elle lui suggère qu'il devrait la remercier d'avoir envoyé Andy chercher les boissons, il s'exécute de manière ironique, mimant une sorte de geste de prosternation avec ses mains. Un éclat de rire sincère, presque trop naturel pour celle qui est souvent critiquée pour son manque d'humour et son côté pince-sans-rire, s'échappe d'elle. Pourtant, face à lui, le besoin de dissimulation semble superflu. Une étrange dichotomie qui la terrifie autant qu'elle la fascine. La façade glaciale reprend rapidement ses droits quand elle le corrige sur sa propre interprétation qu'elle juge parfaite. Il rebondit en lui disant qu'écraser les autres ne fera pas davantage briller sa propre lumière. Une remarque qui aurait déclenché une réaction de colère venant de n'importe qui d'autre, mais une fois de plus, ses réactions excessives se modèrent en la présence de Peter, mystérieusement. Elle prend de grands airs, une attitude démesurée pour une silhouette si petite à ses côtés. « Faire preuve de modestie ne m'aidera pas non plus à briller au-dessus des autres. » Au-delà de la passion, Alba voue une obsession quasi maladive à être la meilleure en tout ce qu'elle entreprend. Jadis, elle était prête à prouver à ses parents son talent au violon, déterminée à atteindre leur niveau sans la moindre difficulté. Avant que la maladie ne s'annonce, avant qu'on ne lui annonce que continuer à jouer serait un risque pour ses doigts. Aujourd'hui, cette nouvelle passion, la comédie, l'entraîne avec la même détermination vers les sommets. Des sommets qu'elle a effleurés du doigt avant de retomber au plus bas, incapable d'assurer ses arrières.

Ce qu'il pense être un simple conseil s'abat sur Alba tel un coup de massue. Elle en est pleinement consciente, son talent démesuré pour cette petite ville lui a donné une confiance dévorante. Cependant, elle a osé affronter un défi bien trop imposant, croyant pouvoir émerger comme la meilleure sans réaliser que cet univers impitoyable peut la reléguer au second plan au moindre faux pas. Sa tête s'incline avec le poids de ses pensées alors qu'il évoque Broadway, plongeant son regard dans une obscurité momentanée. Il est probablement le seul à ignorer son échec à Broadway, arrivé au club pendant son absence ; il ne connaît rien d'elle. Au fond, elle se demande si ce n'est pas cette méconnaissance qui la blesse le plus. « J'ai déjà raté ma chance. » murmure-t-elle, un souffle de tristesse passant fugitivement dans son regard. Soudainement, elle se remémore l'endroit où elle se trouve, et surtout la présence de Peter. Comme après un choc électrique, elle se redresse, arborant de nouveau cet air fier qui lui est propre, se réappropriant son visage. « Et toi, alors ? C'est uniquement un passe-temps ? Ça te suffit vraiment ? » Elle n'aurait jamais adressé cette question à aucun autre membre de la troupe, réservant cette curiosité seulement pour lui. Parce qu'elle a la chance de le voir jouer à chaque représentation, et elle est admirative du talent qui émane de lui sur scène.

Elle saisit rapidement la situation, Alba. Lorsque l'on est marié et père de famille, la passion pour le théâtre cède souvent la place à d'autres préoccupations plus terre-à-terre. Les centres d'intérêt se transforment, se redessinent. Elle se sent étrangement modeste à ses côtés, elle qui a l'habitude de jouer les grandes dames. Que peut-elle bien imaginer parfois en le scrutant ainsi, de ses yeux avides, inconsciemment ? Comment un homme tel que lui pourrait-il s'intéresser à une jeune femme telle qu'elle ? Son esprit vagabonde, imaginant la compagne de Peter, celle qui partage son quotidien. Une femme dont il doit être éperdument amoureux, une femme qui le chérit au point de lui donner cet enfant, une pièce maîtresse de leur vie commune. Elle envie ce lien, une connexion qu'elle ne partagera probablement jamais avec qui que ce soit, et encore moins avec lui. C'est alors qu'elle lance une phrase empreinte de jalousie, subtile au point que seuls ses propres échos en révèlent la véritable nature. La réponse de Peter la laisse perplexe, l'espace d'un instant. La crainte de mal interpréter ses paroles, de les déformer pour apaiser ses propres inquiétudes, l'effleure. Inquiétudes au sujet de quoi, au fait ? Est-ce que les tensions au sein du foyer de Peter signifieraient qu'elle pourrait entretenir un mince espoir d'éveiller son intérêt ? Elle se sent presque idiote de penser de la sorte. Alors, elle tente d'apaiser ses pensées avant de répliquer avec un sourire feint : « Tu sous-entends qu'ils ne vécurent pas heureux et n'eurent pas beaucoup d'enfants ? » Un rire sarcastique s'échappe d'elle, imaginant pourtant la vie idyllique de Peter aux côtés de sa bien-aimée. Elle, de son côté, se voit comme une sœur acariâtre, jalouse de la belle et douce Cendrillon.

L'évidence se manifeste à travers la distance que les autres membres du club choisissent d'instaurer vis-à-vis d'elle. Elle en est consciente et n'en fait pas grief à la situation. L'idée de rester en marge ne la plonge pas dans la tristesse, bien au contraire. Cependant, Peter, lui, perçoit en elle bien plus que ce qu'elle accepte de dévoiler au monde. Un regard interrogatif s'inscrit sur son visage alors qu'un léger rictus danse sur ses lèvres à l'évocation de son "regard revolver". « Qu'est-ce qui te fait penser que je suis bien plus que tout ça ? On ne se connaît pas vraiment. Peut-être que je ne suis réellement qu'une peste. » Elle se garde bien de revêtir l'image de la jeune femme fragile qui se dissimule derrière sarcasmes et méchancetés jetés à la face du monde. La crainte de susciter une image déformée chez Peter l'anime, car elle ne sait trop pourquoi, elle accorde une certaine importance à son avis. Pourtant, le portrait qu'il dresse d'elle la ferait presque rougir. Les défauts qu'il ne perçoit pas comme tels semblent, au contraire, être des traits appréciés. Il salue son honnêteté, même s'il pense que la forme pourrait être ajustée. Un rire sincère jaillit de sa poitrine en réponse, provoquant des sensations qu'elle peine à expliquer. Face à lui, elle se sent singulièrement à l'aise, là où elle est constamment sur ses gardes avec les autres. Soudain, une agitation l'anime, et elle demeure impassible, observant ce qui peut bien le troubler à ce point. Il cherche à extraire son téléphone de sa poche, mais le bref contact provoqué accidentellement secoue la jeune femme. Pour elle, ce simple toucher l’espace d’un instant suffit à éveiller tous ses sens. La chaleur se répand dans son corps et elle détourne le regard quelques secondes lorsqu'il s'excuse, tentant de dissimuler son embarras. « Ce n'est pas grave, je... » Sa phrase s'interrompt brusquement lorsque le visage de Peter se décompose. Inquiète, elle dépose sa main sur son avant-bras « Tout va bien ? » L'inquiétude pour lui l'anime véritablement, et surtout, elle ne parvient plus à reculer face à ce contact qu'elle a elle-même provoqué. Sa main refuse de s'éloigner de la peau de cet homme qui lui cause tant de tourment.
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HEAT WAVES

trigger warning : age gap, infidélité.
La lumière tamisée du soir plongeait le bar dans une sorte de bulle. Loin de la réalité, loin du quotidien qui viendrait frapper quand ils franchiront à nouveau la porte vers le dehors. Peter ne veut y penser, il ne veut penser à tout ce qui l’attendait dehors, à toutes ces responsabilités qu’il avait mises de côté pour quelques heures à peine. Un moment pour lui qu’il n’avait pas eu depuis longtemps. Est-ce réellement un crime ? La réponse semblait sans retour dans son esprit. Rien n’était innocent – il avait été trop naïf de penser pouvoir le nier. Avait-il espéré qu’Alba les rejoigne ce soir-là au bar ? Oui. Avait-il espéré que cette soirée soit une occasion pour la connaître un peu plus ? Oui. Le gout de la trahison envahissait sa bouche à chaque nouvelle parole adressée à la jeune femme. Une attirance n’était pas une fin en soi, tout finissait par passer – c’est ce qu’il s’était convaincu. La passion commune du théâtre les faisait converger l’un vers l’autre. Ces scènes passées à deux n’étaient qu’un passage obligé, une partie du métier. Mais l’attirance qu’il ressentait ne pouvait qu’être un découlement de tout ça. Une admiration mêlée d’une adoration de son jeu. Alba savait s’y faire avec ses rôles. Elle devenait ses rôles sans aucun souci. L’amante amoureuse devenait passionnée entre ses doigts. La pauvre malheureuse devenait une tragédie dans chacun de ses mots. Peter était impressionné par tant de talent. L’attirance n’était qu’une continuité. Que pourrait-il en être autrement ? Tomber amoureux d’une gamine ? De cette jeune femme qui devait avoir au moins dix ans de moins que lui ? C’était d’un ridicule. D’une fourberie dont le théâtre n’était que le lieu de leur représentation. Il ne pouvait y avoir autre chose – il ne voulait pas voir autre chose. De toute façon, il était évident qu’ils ne se connaissaient guère. Qu’ils n’étaient que des étrangers assis à ce bar. « Quel intérêt de les piétiner si cela ne t’apporte rien dans les deux cas alors ? Par simple plaisir ? » demande-t-il alors, un sourcil se levant devant tant de désinvolture. Nous y voilà. Gratter un peu le vernis et découvrir que le pourri aurait pu s’y trouver. Quelque chose qu’il n’aimait pas, quelque chose qui lui déplaisait. Lui n’avait jamais été de ceux qui écrasaient pour se faire une place dans le monde. C’était même plutôt l’inverse. Il s’était toujours mis en deux toute sa vie pour les autres, pour que la vie soit plus douce aux autres, tant pis pour la sienne. Cette vision de la vie en disait long sur lui. Peut-être était-il trop gentil. Peut-être avait-il une foi dans une humanité qui n’en valait pas la peine – Alba en valait-elle la peine ? La réponse raisonnait à tous les coins de son esprit. Oui.

Il regretta immédiatement ses paroles. La lueur de tristesse qui passa dans les yeux de la jeune femme fendilla un peu son myocarde. Il détesta la voir ainsi. Si cela n’a duré qu’un court instant, quelques secondes d’inattention, il l’avait remarqué. Son corps avait presque fini par le trahir. Par cette main qui aurait voulu se tendre vers elle, vers cette épaule pour lui témoigner un peu de sa compassion – de son amour. Ou bien pire encore, de ses bras entiers pour la serrer fort contre lui, pour tenter de chasser la tristesse de son âme. Durant ces quelques secondes, elle avait semblé porter toute la misère du monde, tout le chagrin telle une boite de pandore. Il aurait voulu lui épargner cette souffrance, l’envelopper d’une aura réconfortante. Mais tout ceci n’aurait été qu’inconvenant, bien trop étrange dans une telle situation. Alors il ne fait rien, malgré ce cœur qui se déchire. Ils ne se connaissaient pas. Et sans doute aurait-il tenu sa langue dans d’autres circonstances, s’il avait eu toutes les clefs en main. Mais elle ne lui laisse pas plus de temps. Surement pour changer de sujet et surtout se reprendre. Il ne l’en empêche pas, si cela peut chasser la mélancolie de ses traits. Seulement, il ne sait si c’est voulu ou non, mais Alba savait aussi où frapper. La cible de leurs déceptions était de sortie ce soir-là et alba usait de ses fléchettes avec dextérité. En plein dans le mille. « C’est ce que ma vie me permet. Et... » Il sembla réfléchir. Penser le pour et le contre. Peser ses envies pour toute sa vie. « Je crois que ça me convient. » Il hausse les épaules, tapote un peu nerveusement le bois de la table où ils sont tous deux assis. « Ce n’est pas à trente-cinq ans que je vais m’élancer dans Broadway ou n’importe quel projet comme ça. » finit-il par dire, un léger rire franchissant ses lèvres. Il n’avait plus vingt ans, des rêves en sac à dos et une vie sans responsabilités. Les songes étaient finis depuis des années. La réalité l’avait rattrapé depuis bien longtemps. Il n’avait plus le temps pour être un rêveur, pour rêver conquérir le monde. Le train était passé il y a longtemps et jamais il ne pourrait le rattraper. Rater sa chance est peut être l’un de ses regrets les plus secrets. Une chose qu’il aurait aimé faire mais dont il s’est raisonné avec les années. C’était beaucoup trop insensé, beaucoup trop dans la lune. Broadway était un réceptacle de tous les rêveurs, de tous les aventuriers de la scène. Combien d’entre eux réussissaient réellement ? Beaucoup trop peu pour oser risquer toute sa vie pour une telle chose. Il avait dû se rendre à l’évidence et le deuil de ses rêves s’était fait avec douceur. L’acceptation avait été faite sans détour. Jusqu’à cette année, où il avait eu ce cran, cette folle envie dont il ne se serait pas cru capable.

« Je dis juste que la vie est beaucoup plus compliquée que les films hollywoodiens ne veuillent le montrer. Ils montrent rarement la suite de l’histoire. Et si Bébé et Johnny avaient fini par se déchirer par tant de différences après leur bel été ? Et si Allie avait été malheureuse dans cette maison que Noah lui avait construite, nostalgique de son ancienne vie confortable ? Et si Edward s’était tout simplement lassé de la belle Viviane ? » énumère-t-il alors distraitement. Partager un peu de sa vie intime avec Alba était quelque chose qui le mettait mal à l’aise. Parce que ça laissait une brèche ouverte. Une plaie qu’elle était la seule à pouvoir entrevoir. Il refusait qu’elle s’y engouffre, qu’elle y pénètre pour tout faire exploser. Tout était déjà si fragile. Son mariage, cette attirance idiote. Tout ne tenait qu’à un fil et n’étaient-ils pas déjà en train de franchir les limites ? Leurs familles respectives pensaient que tout allait bien, que cette phase était surement due au fait qu’avoir un enfant pouvait être éprouvant. Mais Peter avait des doutes. Il avait peur. Terrifié que cette ‘phase’ ne soit que le début d’un déclin irrémédiable, ponctué d’une trahison bien trop facile. Lui qui avait toujours été si droit, si fidèle. Penser à une autre femme, aussi ridicule que la situation pouvait être, n’était-ce pas déjà le signe d’une sorte de trahison, d’une sorte d’abandon d’un mariage qui était en train de couler ? Il n’en savait strictement rien. Il était perdu. Perdu entre tout ce qu’il pouvait ressentir, entre ses propres sentiments qui finissaient par le rendre presque fou. Tiraillé entre cette vie de contraintes qu’il avait toujours eues et cette nouvelle vie, si libératrice et tentante. Un nouveau souffle qui était si interdit pourtant. Et peut-être qu’Alba représentait tout ça, que ça l’attirait autant. Une vie sans entraves, interdite mais si tentante. Et c’est sans doute ça qui le faisait toujours converger vers elle. Parce qu’elle était cet interdit, certes, mais surtout cette énigme à résoudre. Ce personnage intriguant qui peu à peu prenait beaucoup trop de place dans son esprit. « J’ai toujours eu l’intime conviction, peut-être à tort je ne sais pas, que l’humain n’est pas foncièrement mauvais par simple envie. Et c’est vrai qu’on ne se connait pas. » remarque-t-il. Ils n’en savaient pas plus sur l’autre que ces quelques heures quotidiennes à répéter leur texte, à n’être que ces personnages inscrits dans la pièce. Aucune chance de se découvrir réellement jusqu’à ce soir. Si ce n’est déjà de leurs lèvres déjà l’une contre l’autre pour les besoins de leurs rôles. Goût sucré qui le hante encore. « Mais dans ce cas-là, pourquoi n’es-tu pas cette peste avec moi ? Tu sais te montrer sympathique quand tu le souhaites. » Et il n’avait toujours pas compris pourquoi. Pourquoi lui, pourquoi pas un autre. Pourquoi pas personne même. Il semblait être l’unique exception dans la sélection d’Alba. Et s’il n’avait rejeté l’évidence, la réponse se serait imposée d’elle-même. Véritable truisme.

Pourtant la bulle éclate. Leur petit cocon où le monde semblait s’être arrêté s’était fissuré avec un simple message. La sonnerie d’un téléphone qui les rappelle à l’ordre. Le destinataire ne peut n’être qu’elle. Cette femme qu’il devrait aimer de tout son corps, cette femme à qui il y a dit ‘oui’ des années auparavant. Cette femme pour qui il devrait tout laisser en plan pour simplement accourir vers elle. Mais la sonnerie le fige bien plus que de raison. Comme une pique bien placée. Comme un rappel à l’ordre immédiat. La lecture est rapide mais les quelques mots sont directs et percutants. Il ne dit rien en premier temps, tentant surement de penser le pour et le contre. Mais la main qu’Alba pose sur son avant-bras le trouble plus qu’il ne le voudrait. Elle est inquiète, la petite. Il devrait se dégager, trouver un prétexte – ou simplement dire la vérité – et prendre son manteau pour s’en aller. Mais il n’y arrive pas. Le contact le glace, le contact le fige un peu plus. Il finit par relever son regard vers elle. Les lueurs d’inquiétude dansent dans son regard. Il ne l’avait jamais vue ainsi, si dévouée à une autre personne qu’elle-même. « C’est Romy. Elle a un peu de fièvre. » explique-t-il, bien trop troublé par cette main sur son avant-bras. Romy, sa fille évidemment. Ses pensées s’entrechoquent sans qu’elles ne semblent réellement avoir de sens à la fin. « C’est surement rien, avec ce temps et les microbes qui trainent à cette période, ce n’est pas étonnant. Ou c’est peut-être même juste que ses dents. » tente-t-il de dire. Tant pour se rassurer lui-même que pour les autres. Ce n’était pas la première fois que sa fille avait un épisode frileux. L’année dernière avait été riche en otites et gros rhumes provoqués simplement par les poussées dentaires parfois, il ne comptait plus les allers-retours qu’ils, sa femme et lui, avait dû faire au pédiatre pour s’assurer que tout allait bien. Inquiétude démesurée de primo-parents. Il sait que la baby-sitter ferait ce qu’il faut – un doliprane – et les tiendrait naturellement au courant de la situation. Pourtant, il avait cette désagréable sensation, cette amère constatation que peut-être était-ce tout simplement un signe de la vie, une tentative de tout arrêter avant qu’il ne dérape un peu plus, qu’il ne laisse s’installer plus de sentiments entre elle et lui. Il n’a qu’à prendre son manteau et s’en aller. Ça semblait si simple dit comme ça.
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