All delighted people

Ton sac était prêt depuis un petit moment maintenant. Depuis, peut-être, un petit peu trop longtemps ce qui te permit de prendre place sur le canapé où tu n’aurais jamais cru que le sommeil manquant des derniers jours viendrait te rattraper sans prévenir. Tu dormais très peu depuis un temps, tes pensées invasives étaient constamment présentes et elles te ramenaient à cette fameuse journée où tu avais perdu le contrôle. Pour ensuite, te rappeler que tu n’avais aucun contrôle sur la maladie de ta femme et que le dénouement pouvait aller d’un côté comme de l’autre. Erika t’avait promis de se battre, tu avais promis que tu allais te battre à ses côtés et que vous aurez le dessus sur cette horrible maladie. Tu voulais tellement y croire, tu avais besoin d’y croire, mais une petite voix dans ta tête te rappelait que tu venais de perdre un ami proche et que la vie n’avait aucun scrupule. Dès que l’optimiste prenait le contrôle, cette petite voix venait te rappeler tout ce que tu avais à perdre. Cette petite voix qui torturait tes nuits et qui était en train de te pousser à bout. Au maximum, tu essayais de garder la face et même si tu avais l’impression d’y arriver, il y avait des signes qui ne mentaient pas. Comme le retard que tu allais avoir aujourd’hui à cette randonnée prévue avec ta fille. Toi qui étais réglée comme une horloge, toi qui étais même souvent en avance, aujourd’hui, l’heure t’avait échappé. Tu avais eu le malheur de laisser le sommeil te rattraper et tu avais perdu cette notion du temps pourtant si importante pour toi.

Tu n’entendis pas la première fois où on frappa à ta porte d’entrée. Ni la deuxième fois d’ailleurs. En fait, tu n’étais certaine de rien alors que les bruits réels s’étaient mélangés à ceux de ton subconscient. C’est finalement ton esprit qui eut l’impression de sentir une présence près de toi qui te réveilla dans un sursaut. Prouvant une fois de plus que tu étais beaucoup plus nerveuse qu’à ton habitude, mais que tes réflexes étaient toujours plus au moins présents. Ta main s’était posée au niveau de ton cœur tandis que tu t’étais déjà redressée du canapé. Ton regard posé dans celui de ta fille et un sourire naturel prit place sur tes lèvres. « Tu m’as fait peur. » Tu passas une main dans ta chevelure afin de remettre en place ta queue de cheval. « Je pensais qu’on devait se rejoindre à… » Tu t’arrêtas dans ta propre phrase. Tu étais encore en train d’émerger. Tu n’avais pas encore entièrement compris que tu avais lâché prise à ce point. « Je te demande pardon. Je crois que je me suis endormie. Tout était prêt trop d’avance et… » Un soupir s’échappa de ton nez tandis que tu secouais négativement la tête de gauche à droite. Ce n’était pas dramatique, tu le savais, mais ton retard te gênait. Tu ne pouvais pas te permettre d’être en retard. Un pompier ne pouvait pas arriver en retard sur les lieux d’un incendie. « Je me fais un café et on y va ? Est-ce tu en veux un ? » Heureusement, vous n’aviez pas un planning très précis à respecter. Vous pouvez vous permettre quelques écarts. Et franchement, tu avais bien besoin d’un petit remontant avant de quitter ta demeure, tu te sentais encore légèrement dans la brume.

Je me tenais dans l'encadrement de la porte, observant Letizia, ma deuxième maman, avec un sourire amusé. Ça me faisait un peu bizarre de la voir ainsi, pas tout à fait réveillée, presque prise au dépourvu. D’habitude, elle était toujours en avance sur tout, prête avant tout le monde et, souvent, elle me taquinait même sur mes propres retards. Alors là, la voir s’excuser d’avoir pris un peu de repos, c’était presque comique. Je n’avais jamais pensé que ça pouvait lui arriver. Après tout, c’était Letizia, la reine de l’organisation !

Quand elle s’est excusée, j’ai haussé les épaules. « Sérieusement, c’est rien du tout. On n’a pas de montre à suivre aujourd’hui, non ? » J’essayais de lui faire comprendre que ça ne me dérangeait pas du tout. Au contraire, je trouvais que c’était presque un soulagement de la voir un peu plus humaine, moins parfaite, peut-être. Ça rendait la journée plus relaxante dès le départ.

En plus, ce n’était pas comme si on avait un plan super strict pour cette randonnée. C’était juste nous deux, une petite aventure entre mère et fille, sans pression. Alors si elle voulait prendre un café avant de partir, ça ne me posait aucun problème. Au contraire, ça nous permettait de commencer la journée tranquillement.

« Ouais, prends ton café, je t’en piquerai bien un aussi ! » J’ai souri encore plus en disant ça. J’adorais quand on se posait ensemble, juste elle et moi, à discuter autour d’un café. C’était l’un de nos petits rituels. Et aujourd’hui, j’avais bien envie de profiter de chaque moment passé avec elle. J’attrapai une chaise dans la cuisine et m’assis, les coudes sur la table, observant Letizia préparer nos boissons.

Alors que je la regardais faire, je ne pouvais m’empêcher de penser à quel point elle semblait encore calme et forte, comme toujours. Pour moi, c’était juste une autre journée où elle gérait tout, même si elle avait pris un peu de retard. Rien dans son attitude ne laissait penser qu’elle pouvait être fatiguée ou stressée. Je n’avais jamais imaginé qu’elle pourrait être aussi vulnérable que moi parfois. Pour moi, elle restait Letizia, ma maman cool, celle qui assurait toujours et qui semblait capable de tout.

« On va où exactement aujourd’hui ? » lui demandai-je avec enthousiasme, mon esprit déjà tourné vers notre aventure. « J’espère qu’on va découvrir des endroits sympas, peut-être un coin tranquille où on pourrait pique-niquer. » Je voyais déjà la journée se dérouler dans ma tête, avec nous deux parcourant les sentiers, rigolant et prenant des photos. Ce serait une pause parfaite dans notre quotidien.

Je la regardais avec admiration, toujours convaincue qu'elle avait tout sous contrôle. J'avais hâte de passer du temps avec elle, loin de tout, juste nous deux.