All delighted people

Où se poser ? Non, ça Taliyah n'en avait jamais vraiment réfléchi, elle avait peut-être imaginé plus d'une fois revenir, sauter dans les bras de son ex et rester ici ? Non. Enfin...Peut-être que l'idée de retrouver Aaron lui avait fait partir dans toute sorte de perspectives d'avenir. Mais, à l'heure actuelle, elle ignorait s'il était encore à BH, s'il était libre et peut-être avait-il simplement tourné la page ? Non, je n'ai pas réfléchi juste... Je ne sais pas. Pas loin de mes sœurs, je dois avouer que ce n'est pas toujours évident d'être loin... Disait-elle en haussant un peu les épaules. On verra bien ce que l'avenir me réserve..

Cette histoire que Temperance avait vécue, Taliyah avait été très jeune pour véritablement comprendre, mais en grandissant, il est vrai qu'elle s'était posé pas mal de questions qu'elle n'avait pas posé. Tout ça avait fait du mal à la famille et en parler les auraient encore plus blessé alors elle avait grandit avec ses craintes et ses questions, imaginant l'état dans lequel devait être sa sœur, la pauvre, vraiment. Je comprends, je pense qu'à ta place aussi j'aurais aimé avoir des réponses à mes questions... Tu sais si à ce sujet, tu as besoin d'aide ou de soutien, je serais présente si tu veux, enfin, tu sais...Tu peux compter sur moi, vraiment. Disait-elle en lui adressant un sourire pour la rassurer.

Puis en venait...Le sujet fâcheux... Celui qui brûlait les lèvres de Taliyah, mais aussi celui qui allait créer des tensions à coup sûr. Taliyah se grattait le front, elle était foutue, sa sœur allait la questionner jusqu'à ce qu'elle en parle et...C'était la merde. Pourquoi tu as parlé Taliyah ? Je sais bien que je peux tout te dire...Mais je sais aussi que tu seras... Enfin c'est un sujet vraiment délicat et... La jeune femme soufflait aller, il faut que tu te lances, tu n'as plus le choix maintenant..., mais comment le dire ? J'ai...J'ai repris contact avec papa. Ok, ça c'est fait. Bon, elle n'y a pas été de main morte, mais c'était dit. Et je me disais que peut-être...Peut-être on pouvait...Enfin que tu... Je sais que c'est beaucoup demandé, que tu risques d'être réticente mais... Tu accepterais de lui parler ? Ou au moins de l'écouter, je ne sais pas... Elle soupirait longuement. Désolé, j'avais l'impression que c'était une bonne idée, mais maintenant que je te le dis, j'ai l'impression que j'aurais mieux fait de me taire..

Taliyah la nomade avait donc envie de se poser un peu. Tempe n’allait pas la désavouer, ravie de pouvoir profiter de sa sœur cadette, qu’elle ne voyait pas assez souvent habituellement. « Dans tous les cas, je suis ravie que tu sois ici. » finit-elle par dire, sincère. Taliyah, de son côté, réitérait son soutien indéfectible envers Temperance, concernant le mystère non résolu de sa disparition étant enfant. Disparition qui avait involontairement causé l’éclatement de leur famille et le départ de leur père. Sujet trop peu abordé entre les sœurs, sujet tabou et épineux d’une manière générale. « Merci beaucoup. Je t’avouerai que je ne sais pas absolument pas quoi faire dans l’immédiat… j’espérais sans doute que mon retour ici me débloquerait certains souvenirs mais… » Mais rien. Absolument rien.

Pour autant, Tempe n’était pas préparée à ce qui devait suivre, de la bouche de Taliyah. Cela devait être important, ou une mauvaise nouvelle, car sa cadette semblait plus que mal à l’aise à l’idée d’aborder ce sujet mystérieux. Ce qui ne lui ressemblait pas du tout. Tempe la fixait sans mot dire, avec un regard qui semblait vouloir dire « aller, accouche ! ». C’est alors que Tal lança sa bombe. J’ai repris contact avec papa. « Tu as quoi ? » Temperance écoutait à peine les explications que sa cadette s’empressait d’ajouter. Certes, des trois, elle était la plus jeune et au final celle qui conservait le moins de souvenirs de la période « post enlèvement ». Mais de là à reprendre contact délibérément avec l’homme qui avait abandonné femme et enfants… « C’est… wow. » Tempe se passa les mains dans les cheveux, réalisant avec peine ce que venait de lui avouer Taliyah. A la mine déconfite de sa sœur, elle n’eut pas le cœur de s’énerver. « Je… il nous a abandonné Tal. » Les mains posées à plat sur le plan de travail, Tempe cherchait ses mots pour exprimer le fond de sa pensée, sans pour autant blesser la jeune femme. « Quand ? Comment ? » A quel moment avait-elle eu l’idée de recontacter ce père défaillant ? Comment avait-elle fait pour le retrouver ? Abasourdie, elle secoua la tête. « Toute ma vie, j’ai culpabilisé de son départ. Parce que c’était à cause de moi. De ma disparition. Jamais il n’a donné signe de vie depuis. Je suis désolée Tal… mais je sais pas si je suis capable de lui parler. Ou même de l’écouter. »

Ce retour n'était pas de tout repos, surtout en termes d'émotions. Elle n'était là que depuis très peu de temps et elle avait déjà été atteinte d'une tristesse profonde et inexpliquée en venant à la maison. Elle avait aussi eu quelques remords quant à ses voyages pour le boulot qui l'avait un peu éloigner de sa famille et quelque part empêché de passer autant de temps qu'elle voulait avec eux. Elle était aussi soulagée et heureuse de voir sa sœur Temperance, de pouvoir la serrer tout contre elle sans ouvrir les yeux et remarquer que tout ça n'était qu'un rêve. Non, là, tout était réel. Bien qu'elle se sentait stressée avec l'idée de lui parler de son père ou même stressée à l'idée qu'en revenant, elle se risquait à croiser Aaron s'il vivait encore ici. Mais, là, présentement, Taliyah comprenait de quoi sa sœur parlait du passé, et elle hochait la tête, ne pouvant qu'essayer de comprendre et de compatir à ce qu'elle ressentait. Je comprends... Enfin, j'essaie... Mais tu sais que si tu as besoin, je suis là maintenant. Si je peux t'aider à faire quoi que ce soit, surtout n'hésites pas.

Puis, Taliyah empruntait un chemin dangereux, se mettant à parler à sa sœur de son... De leur père, un homme avec qui elles avaient perdu contact il y a bien longtemps, un homme que toutes ses sœurs avaient détesté, Taliyah aussi lui en avait énormément voulu d'être partis. Mais, le décès de sa mère et la douleur que ça lui avait procuré lui avait fait comprendre plusieurs choses. Je ... J'espère que tu n'es pas fâchée contre moi à cause de ça... Même si je le comprendrais et je ne te le reprocherais pas... Disait-elle en haussant les épaules, au début, elle baissait un peu le regard avant de regarder sa sœur. Je ne sais pas... Je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi je l'ai fait. Mais je l'ai fait et je ne peux pas changer le passé alors je préfère être honnête dès le début avec toi. Je voulais juste savoir s'il n'était pas mort et puis je ne sais pas, avec le départ de maman, je me suis dit qu'il était notre dernier parent et que peut-être, il méritait d'être écouté, entourer et d'avoir une belle fin de vie... Taliyah secouait la tête en posant sa main sur son front. Désolé, ça me semble complètement débile et sans aucun sens ce que je dis...

Etant la plus jeune des trois sœurs, Taliyah avait été la moins « impactée » par la disparition de Tempe, et le départ de leur père. La moins impactée, car avec leur et Terry, elle l’avait surprotégée, afin qu’elle en souffre le moins. Surtout Terry, qui avait endossé le rôle de seconde maman auprès de ses sœurs. Tempe quant à elle avait léché ses plaies comme un chat, dans son coin, tout en s’efforçant de donner bonne figure en grandissant, histoire de ne pas causer de souci supplémentaire à la petite famille. De ce fait, si l’une d’entre elles aurait du reprendre contact avec ce père défaillant, des trois, Tal aurait été la meilleure candidate du lot. Qu’elle l’ait réellement fait en revanche, prenait Tempe au dépourvu. Tal se fondit en explications face à la surprise et aux réticences affichées par sa sœur, redoutant probablement de s’en attirer les foudres. « Oh Tal, bon sang… » Désemparée à son tour, Tempe regarda sa cadette. « Tu sais… je peux concevoir que tu en es ressenti le besoin. Vraiment. De nous trois, tu es celle qui a le moins connu Nick. Je suppose que ton jeune âge fait que tes souvenirs de lui sont assez vagues. » Elle ne se souvenait probablement pas l’avoir vu ivre mort en rentrant chez eux, oubliant peu à peu qu’il avait une famille jusqu’à la quitter complètement. « Ce que tu dis à du sens, pour toi. » souligna-t-elle d’une voix radoucie. « Et c’est ton droit de vouloir le revoir, lui parler. » Elle secoua tristement la tête. « Mais ne nous en demande pas autant, à Terry ni même à moi. »

Elle se passa une main dans les cheveux. « Comment as-tu fait pour le retrouver ? » Malgré elle, elle se demandait ce qu’il avait bien pu faire toutes ces années durant, loin de ses filles et de sa femme, loin de Bar Harbor. « Je suis d’ailleurs étonnée qu’il ait accepté de te parler… » constata-t-elle, sourcils froncés. « Depuis le temps, il aurait pu essayer de reprendre contact avec nous ou avec maman… et il ne l’a jamais fait. »