All delighted people

┗ SLATER x KATE.┛

“Used to take the roads without a twist or bend
Driving with my eyes closed, I could see the end”

Pas vraiment son genre d'emprunter le sillon dessiné par un tiers, prompte à creuser sa propre voie, désireuse de paver le chemin, tantôt leader, tantôt simple opportuniste parfaitement capable de repérer le filon (pas pour autant prête à se casser un ongle au cours de la démarche). Kate Walcott est malheureusement de celles qui aiment détenir un contrôle ferme sur ce qui peut bien se produire dans leur existence, quitte à copier les nébuleuses jusqu'à la dernière lettre (refusant toutefois de s'effondrer sur elle-même - n'est pas Walcott qui veut, derrière le cynisme congénital).
Pourtant, à l'instant où le chef de projet territorial propose un business diner à la cantonade, depuis le bureau étriqué qui lui sert de tanière, et que trois des quatre têtes appartenant aux attachés territoriaux surgissent depuis leurs boxes respectifs dans l'open space, Kate l'individualiste slightly arrêtée sur ses opinions, leadership arrogant plutôt latent, se cale douloureusement sur l'onde générale. Le sourire est poli; il donne le change avec exactitude à celui esquissé par Caroline, la développeuse économique qui en plus d'être particulièrement sociable et magnétique, ressemble comme deux gouttes d'eau à 'To catch a thief 'Grace Kelly. De quoi réduire son propre champ à plusieurs unités de mesure en dessous de la norme acceptable - elle fixe le regard, point focus à la précision telle qu'elle manque de se déchirer le nerf optique. Une demi heure plus tard, dix neuf heures et quelques gravillons au cadran, le carpool suggéré en plus de les mener à l'adresse choisie, leur offre une visite guidée de choix sur memory lane. Pas de doute, le seul point positif n'est ni la playlist de Todd, responsable stratégies, ni la conduite nerveuse de Javier, dernier arrivé dans l'équipe victimisé pour sa gentillesse émétique, mais le soin avec lequel Kate rédige la note mentale suivante : plus jamais de covoiturage avec ces fous.
Les "plus jamais" s'enchainent chez la jeune femme; "plus jamais" de salsa verde, "plus jamais" d'épilation brésilienne, "plus jamais" cabo san lucas en plein springbreak - envisage même de rédiger sa lettre de démission lorsqu'une enseigne lumineuse, élégamment confectionnée, se dresse sous son regard. Elle éprouve du mal à museler l'anxiété qui prend la forme du noeud marin le plus complexe dans ses entrailles.
La jeune Walcott, en pilotage automatique, se contente de subir la suite des évènements : les pas qui les mènent tous devant le pupitre, le placeur qui les guide vers la table qui sera la leur, le séant qui accepte le confort inespéré de la chaise, l'oreille qui écoute distraitement l'anecdote la plus fadasse relatée dans la journée. Il y a le savoir qui prend toute la place. Il est là. Quelque part, derrière l'une des portes; pas si loin , la distance mesurable en kilomètres, pas en mètres. C'est une grandeur qui pourrait les rapprocher mais qui se dilate et devient , selon l'humeur, les jours, les engagements, un facteur - dont elle refuse de faire l'analyse dimensionnelle. Cela prendrait trop de temps (l'ironie), coûterait trop d'énergie, mettrait en perspective trop de failles. L'obligerait, in fine, à prendre une décision ( dans sa nature, n'est-elle pas après tout censée être la plus raisonnable des Walcott ? tant qu'à faire, la plus raisonnable de tout Bar Harbor). Parce que tous les restaurants des environs, c'est sur celui où Slater Timlin a obtenu un poste que le choix s'est porté - le alea jacta est ne s'est pas noyé dans le fleuve Rubicon -. Reconnaissons que si elle avait été parano ou croyante ou ce dont on accuse absolument toutes les Walcott, elle aurait décelé les signes, elle les aurait interprété. -  Le steak-tartare est délicieux - hum, pour de la viande pas cuite, peut-être, songe Kate dont le contenu de l'assiette n'a pas diminué en quantité contrairement à celui de son voisin de table. Elle s'éclipse brièvement après avoir baragouiné une excuse direction la ladies' room, retouche son rouge à lèvre, monologue devant le miroir avant d'y couper court lorsque Caroline la rejoint. Pep talk féminin, échange d'info girly lorsqu'elles reviennent , riant à gorges déployées comme le feraient probablement deux conspiratrices, il est là. Ses larges épaules et ses biceps s'imposent, puis c'est le céruléen qui la prend à la gorge - elle ne remarque qu'elle retenait son souffle que lorsque Javier l'interpelle. - C'mere, Kate.
Quelle idée, sérieusement mais surtout, quelle attitude adopter ?

Spoiler: