All delighted people

J’étais toujours très surpris. Ce n’était pas négatif, loin de là, mais disons simplement que j’étais vraiment surpris. Je n’étais pas du genre à faire des suppositions sur l’orientation sexuelle des autres mais, même si c’était le cas, je n’étais pas vraiment certain que j’aurais pu deviner que mon frère n’était pas hétérosexuel. Mais s’il y avait bien une chose qui était plus forte que ma surprise, c’était ma fierté. Parce que mon frère venait de me faire son coming-out et surtout, parce qu’il était prêt à vivre sa propre réalité. Tout le monde le mérite, évidemment, mais considérant que c’est mon frère, mon soulagement est d’autant plus grand. Mes questions se font nombreuses alors que je ne cherche même pas vraiment à les empêcher de passer la barrière de mes lèvres. Un rire s’échappe d’entre mes lèvres face aux premiers mots qu’il prononce, mes yeux se levant vers le ciel avec un air amusé avant que je ne reprenne la parole. « Je suis définitivement pas flic, mais je veux définitivement en savoir plus sur toute cette histoire, j’y peux rien !» En même temps, considérant l’annonce qu’il m’avait faite, je n’aurais jamais pu garder le silence, même si j’avais voulu le faire.

Finalement, ses explications tombent toutes les unes après les autres et je ne cherche même pas à l’interrompre. Je me contente d’écouter ce qu’il a à me dire, prenant note de certaines choses dans ma tête, juste pour pouvoir le questionner plus tard si j’en ressens l’envie -ou le besoin-. Quand il me parle du fait qu’ils ont couché ensemble, je ne dis rien, me retenant d’ailleurs de grimacer au passage, espérant qu’il ne rentrerait pas trop dans les détails à ce niveau-là parce que bordel, il reste mon frère. J’acquiesce quand il me dit qu’ils ne sont pas ensemble, le tout pour des raisons qui sont plus que légitimes -même si je ne comptais définitivement pas juger les choix personnels de mon frère et de ce gars-là. Un sourire attendri s’étire sur mes lèvres alors qu’il m’explique le moment où il a réellement compris qu’il était attiré par les hommes. Ca avait dû le soulager, même si ça l’avait probablement aussi perturbé, d’une manière ou d’une autre. Mais j’espérais sincèrement que le soulagement avait été au moins mille fois plus fort que peu importe quelle perturbation qu’il aurait pu ressentir. Quand il me parle de la nuit qu’ils ont passé ensemble, je me contente d’acquiescer, presque soulagé du fait qu’il ne me dise que ça. Mais c’est quand il parle d’un autre jeune homme, apparemment dénommé Gadriel, que je réagis un peu plus. J’arque un sourcil, ne prononçant toujours pas le moindre mot, mais me montrant malgré tout intéressé à ma manière. Finalement, son récit arrive à sa fin et, du coup, je me laisse le droit de m’exprimer.

« C’est bien que tu aies pu te rendre compte de ton attirance pour lui, et pour les hommes de manière générale. Tu as dû te sentir soulagé, non ?» J’espérais franchement que sa réponse serait positive mais, même si elle ne l’était pas, ça ne serait pas bien grave, tant qu’il allait mieux aujourd’hui. Mais vu qu’il parle d’avoir été sur un petit nuage, j’ai tendance à penser que malgré tout, ça avait été positif au moment où c’était arrivé. « Et c’est normal qu’il ait une place particulière pour toi, ce n’est pas rien, ce qu’il s’est passé.» Et clairement, ça résonnait énormément en moi. Si j’avais toujours été relativement à l’aise avec ma sexualité, le tout bien avant de rencontrer Jackson, ça n’avait pas été son cas, et nombreuses avaient été nos discussions ou nos soirées ensemble qui se terminaient par des remerciements de sa part, remerciements que je rejetais à ma manière, simplement parce que j’avais l’impression de ne pas avoir fait grand-chose avec lui. Mais la vérité, c’est que j’avais beaucoup fait pour lui, mais je n’avais simplement pas cherché à le faire, c’est tout. Je lui avais permis d’identifier des parts de lui qu’il n’aurait probablement pas identifiées tout de suite si je n’avais pas été là et.. Oui, j’étais heureux d’avoir eu ce rôle-là pour lui, et j’osais espérer que c’était aussi le cas d’Henry, même si leur histoire n’était définitivement pas la même que la nôtre. Finalement, je laisse un sourire s’étirer sur mes lèvres quand je repense à Gadriel, mon regard retrouvant celui de mon frère. « Gadriel, tu dis ?» Je voulais en savoir plus. « Ca fait combien de temps que vous vous connaissez tous les deux ?» Alors évidemment, il m’avait dit que c’était peut-être trop tôt pour tirer des conclusions mais.. La conclusion semblait plus ou moins tirée dans tous les cas, même s’il ne s’en rendait pas entièrement compte. « Et mettons que tu sois en effet intéressé par lui, tu penses que tu as tes chances ?» Parce que bon, dans ce qu’il disait, rien n’indiquait que ça pourrait être réciproque, tout comme rien n’indiquait que ça ne l’était pas. Dans tous les cas, ceci dit, même si ce n’était qu’un crush à sens unique, il fallait bien passer par là un jour ou l’autre.

Pouvoir avoir des discussions de ce genre là avec lui, tout comme avec ma sœur, c’est ce qui m’a vraiment manqué depuis que j’ai quitté Los Angeles. Je ne regrette pas d’avoir quitté la ville, je me sens définitivement à ma place ici et Bar Harbor et mon chez moi depuis maintenant un bon moment, mais la présence de ma famille m’a manqué, c’est une certitude. Un sourire s’étire sur mes lèvres quand il me dit que la découverte de sa sexualité n’était qu’une suite logique pour lui et, directement, je me sens rassuré. Ce n’est pas nécessairement le cas pour tout le monde, certains vivaient réellement ça comme un gros « changement » et avaient besoin de temps pour s’y faire. Savoir que ça n'avait pas été son cas, ça me confortait énormément. « Ca veut dire que c’était le bon moment, alors.» Certains diraient que c’était toujours le bon moment pour prendre conscience de son homosexualité, mais j’avais tendance à ne pas être d’accord. S’en rendre compte est nécessaire, bien sûr, mais disons qu’en fonction de comment les choses se passent dans notre vie, on est plus ou moins prêt à accepter tout ça. Dans le cas d’Arthur, visiblement, cette question ne se posait même pas, tant mieux.

Finalement, on parle de quelqu’un d’autre, un jeune homme qui intéresse clairement Arthur. Il a beau dire qu’il n’est pas sûr de lui, vu la manière dont il parle de Gadriel, les sentiments qu’il lui porte sont carrément évidents, à minima à mes yeux en tout cas. « Vu ta façon de parler de lui, c’est évident que tu as des sentiments pour lui.» Le lui dire ne me semblait pas particulièrement risqué, d’autant plus considérant que c’était lui avait lancé le sujet. Ceci dit, je veux quand même être plus clair que ça vis-à-vis de mes propos. « Après, je ne dis pas que tu dois le lui dire ou quoi, c’est juste que vu comment tu parles de lui, le fait que tu aies des sentiments me paraît assez.. Evident, si on peut dire. Mais dans tous les cas, il a de la chance de t’avoir.» Ca non plus, ça n’était pas un secret. Vu la manière dont Arthur parlait de lui, et surtout vu ce qu’il disait sur le fait qu’il veuille le voir heureux.. Oui, vraiment, Gadriel avait définitivement de la chance de l’avoir. Il restait à savoir s’il méritait tous ces efforts de la part de mon frère mais, assez franchement, j’estimais ne pas du tout pouvoir -ou vouloir- juger ça. Déjà, parce que je ne le connais pas, mais même si je ne le connaissais, j’estime que mon avis devrait peu importer. Alors évidemment, si les choses avancent un jour entre eux et que je suis amené à le rencontrer, je me ferai un avis sur lui, mais cet avis, je le garderai pour moi, comme je l’ai toujours fait, même quand ça concernait de simples amis des deux autres membres de ma fratrie.

Quand il parle du fait que le jeune homme en question est sexy, je me retiens de grimacer. On est définitivement sur le genre de détails dont je n’ai définitivement pas besoin, mais ce qui est dit est dit, je suppose. Mais, au lieu de rebondir sur cette partie-là de son discours, je rebondis sur ce qu’il a dit par la suite. « Je rectifie ce que j’ai dit. Il a de la chance de t’avoir, mais tu as aussi de la chance. Je le connais pas, mais vu le sourire que t’as quand tu ne fais que parler de lui.. Disons que j’ai vraiment l’impression que vous vous êtes bien trouvés, tous les deux. Pas nécessairement romantiquement, je précise, mais de manière générale.» Qu’il ne se retrouve pas à penser que je l’encourage à faire sa déclaration à Gadriel. Encore une fois, cette décision, il faut qu’il la prenne seul, même si, évidemment, je serai là pour l’épauler si nécessaire.

J’acquiesce face aux paroles d’Arthur, ne pouvant que comprendre ce à quoi il faisait référence. Leur amitié avait déjà l’air particulière et surtout, précieuse, alors évidemment, il n’a probablement pas envie de tout gâcher. Finalement, je reprends la parole, une question sur le bord des lèvres. « Ca change pas grand-chose hein, surtout si tu comptes pas lui en parler mais.. Tu sais s’il est intéressé par les hommes ?» Parce que bon, disons que si le gars était hétéro, Arthur n’aurait vraiment aucune chance, alors que si ce n’était pas le cas.. Je n’irai pas lui dire de garder espoir ou un truc du genre, mais disons que oui, ça faisait que ce n’était pas nécessairement impossible. Mais, même s’il s’avérait que ce n’était pas impossible, ça ne le forcerait pas non plus à dire quoique ce soit. Quant au fait d’aller au rythme de Gadriel.. Ils ont vraiment de la chance de s’être trouvés tous les deux. Même si je ne le connaissais pas, à la façon dont Arthur parlait de lui et de leur relation, il était évident que tous les deux tenaient énormément l’un à l’autre et, qu’avec ça, un sacré respect avait vu le jour entre eux. Clairement, c’était tout ce que je pouvais souhaiter à Arthur. « C’est bien de voir les choses comme ça, tu peux être fier de toi !» Parce que bon, face à un crush, on n’agit pas -ou ne pense pas- toujours comme il faut ! M’enfin, ça fait partie des étapes de la vie, j’imagine. « Et pour le fait que tu sois prudent, vraiment, j’en doute pas une seule seconde. Je te connais, après tout.» Et en plus, considérant ce qu’il me disait du lien qui les unissait, j’en doutais encore moins.

Finalement, la discussion change et, cette fois, elle se retourne vers moi. Un sourire d’abord amusé s’étire sur mes lèvres face à ses paroles -ça ne me surprend définitivement pas qu’il me pose la question- mais, assez rapidement, il disparaît alors que j’hausse les épaules. « Y a rien qui se passe dans ma vie sentimentale, non. Mais après.. J’en ressens pas nécessairement le besoin, tu vois ?» Je pose très brièvement mon regard sur mon alliance avant de relever le regard vers Arthur. Il y avait vraiment eu un avant et après Jack. N’importe qui aurait pu s’en douter, considérant notre proximité mais.. Ouais, personne n’aurait pu se douter que ça arriverait si tôt, même nous qui avions conscience que notre boulot était risqué. « Mais après franchement, ça me dérange pas vraiment. Fin je veux dire, je me suis fait un petit nid ici, j’ai pas mal d’amis, avec les collègues ça se passe hyper bien, clairement je suis pas à plaindre.» Et pourtant, même en sachant que je me rapprochais de ma belle-famille, je n’aurais pas pensé que les choses pourraient aussi bien se passer, apparemment que j’avais été trop pessimiste. « Venir dans le coin, ça m’a aussi aidé à arranger les choses avec Dahlia, tu sais la sœur de Jack ? Je pense que ça nous a rapprochés, d’une certaine manière.» Mine de rien, on était passés de vivre dans deux coins opposés des Etats-Unis à vivre dans la même ville et, surtout, bosser dans la même caserne. Globalement, c’était pas mal quitte ou double, mais dans le cas présent ça noua a aidé tous les deux. Ceci dit, les choses ne s’étaient jamais vraiment mal passées entre nous, c’est juste qu’après la mort de Jake, les choses avaient été difficiles pendant quelques temps, et on avait tous les deux une responsabilité là-dedans.

Ca fait un bien fou de pouvoir le retrouver. Je m’étais habitué à son absence, tout comme je m’étais habitué à l’absence de tout le monde, mais l’avoir en face de moi, ça fait toujours du bien. La technologie aide à supporter la distance, évidemment, mais c’est toujours quand on se retrouve face à une personne à qui l’on tient qu’on réalise bien vite que franchement, la technologie c’est bien, mais clairement pas assez. Rien ne vaut le vrai contact, de toute manière. J’acquiesce quand Arthur me répond, me retenant de trop sourire à ce moment-là. Tout ce que je vois, même si je ne vais clairement pas le dire haut et fort, c’est que techniquement, il n’a pas aucune chance. Ceci dit, ça veut pas nécessairement dire qu’il a une chance non plus, m’enfin. « C’est bien, au moins vous pouvez vous comprendre à ce niveau-là. » Alors évidemment, ils n’ont pas la même orientation sexuelle, mais ils sont tous les deux différents de la fameuse norme dont certains parlent bien souvent, et ils peuvent au moins se comprendre à ce niveau-là. C’est assez précieux, mine de rien, et considérant ce qu’il me dit de leur relation, je me dis que c’est d’autant plus précieux, comme point commun.

Mais évidemment, on finit par parler de moi. C’est compréhensible, on a déjà beaucoup parlé de lui et je connais Arthur, ce n’est pas surprenant qu’il veuille avoir quelques informations sur ma vie amoureuse -ou dans le cas présent, l’absence de cette dernière-. Probablement que face à quelqu’un d’autre, j’aurais plus de mal à aborder le sujet, mais face à Arthur, c’est beaucoup moins difficile. Alors évidemment, ce genre de questions, ça me rappelle Jackson et c’est pas nécessairement facile, mais pour autant, c’est plus qu’amplement supportable. De toute manière, j’ai bien conscience que cette petite douleur quand je pense à lui ne disparaîtra jamais mais, de toute manière, je n’ai absolument pas envie qu’elle disparaisse. Elle est, d’une certaine manière, la preuve de ce qu’on a vécu ensemble, alors je ne veux absolument pas que ça disparaisse. La réponse d’Arthur, d’ailleurs, me va droit au cœur. Il ne cherche pas à insister et à dire qu’il est évident que je rencontrerai quelqu’un. Au contraire, il me le doigt pile sur ce que je pense depuis longtemps : ce n’est pas essentiel. Je ne blâme pas ceux qui rêvent du grand amour mais dans un sens, ce fameux grand amour, je l’ai déjà vécu, alors je n’ai pas du tout envie -ou besoin- d’en chercher un autre. Finalement, un léger rire s’échappe d’entre mes lèvres quand il mentionne le fait qu’au moins, je n’ai pas besoin de partager mes frites. « Ecoutes, c’est un point positif comme un autre ! Mais en tout cas oui, je vois plutôt les choses comme toi. Si ça doit arriver, j’imagine que ça arrivera, mais en tout cas ce n’est pas ce que je recherche. » Et puis mine de rien, réapprendre à vivre seul a déjà pris du temps et n’a pas nécessairement été facile, alors autant ne pas tout changer tout de suite. Finalement, je secoue la tête dans le sens de la négation quand il reprend la parole. « En mauvais termes est un bien grand mot, mais disons que les choses se sont un peu corsées après la mort de Jack. On a chacun vécu notre deuil à notre manière et clairement, c’était pas du tout compatible. Il fallait juste laisser un peu de temps passer, ça va beaucoup mieux maintenant. » Bon, certains reproches ont fait plus mal que d’autres, venant d’elle comme venant de moi, mais le principal, c’est que ça s’était arrangé. « Elle bosse ici aussi d’ailleurs, elle gère l’équipe des mécaniciens. Bon, par contre elle est pas là aujourd’hui, mais tu auras surement l’occasion de la croiser, dans tous les cas ! » Que ça soit ici, en ville, ou autrement d’ailleurs.

Tout ce qui est relationnel et romantique, autant dire que je n’en parle pas à grand monde. Les attentes de certains sont bien trop grandes, tout comme la capacité d’autres à ne pas comprendre que j’ai besoin de temps pour réellement faire mon deuil avant d’envisager de me lancer dans une nouvelle relation. A la fois, je comprends l’envie de m’aider et de m’encourager mais, parfois, ça sonne comme une pression plutôt que comme un quelconque encouragement. Ceci dit, loin de moi l’idée de blâmer qui que ce soit, chacun a sa manière de voir les choses, mais.. Ouais, disons que parfois, je ne peux pas m’empêcher de dire que certains manquent cruellement de tact. Arthur, c’est différent. Il est évident qu’il comprend ce que je lui dis, le tout sans que l’un ou l’autre n’ai besoin de plus pousser son point de vue. Non, la compréhension est naturelle, comme elle l’a toujours été et, franchement, ça fait un bien fou. Pas besoin de faux semblants ou de prises de tête, le message passe parfaitement, que ça soit dans un sens ou dans l’autre. C’est aussi pour ça que j’apprécie énormément mon frère et ma sœur, tout fonctionne toujours naturellement entre nous et, considérant certaines situations, autant dire que c’est cruellement nécessaire, à minima à mes yeux. Enfin bref, tout ça pour dire qu’à ce stade, j’ai une raison de plus d’être heureux que mon frère ai décidé de s’installer à Bar Harbor même si bon, je suis loin d’avoir besoin de cette fameuse raison de plus. Un petit sourire s’étire sur mes lèvres quand il reprend la parole, me complimentant au passage. « Parce que c’est vrai qu’en tant que frère, t’es tellement objectif. » J’ai jamais été très doué pour recevoir les compliments donc, si je peux les esquiver, je n’hésite généralement pas à le faire. Ceci dit.. « Mais merci. Ca me touche beaucoup que tu dises ça. » Peu importe qu’il soit objectif ou non, ses paroles me vont malgré tout droit au cœur.

Si pendant longtemps, j’ai gardé le conflit que Dahlia et moi avions partagé pour moi, ce n’est plus le cas. Ce qui avait motivé cette discrétion vis-à-vis de tout ça, c’était la culpabilité, j’en ai bien conscience. La culpabilité de ne pas avoir pu sauver Jake et, à la fois, la culpabilité de ne pas avoir été capable d’aider sa sœur. Avec le temps, j’avais fini par comprendre -et surtout accepter- que je n’étais responsable d’aucune de ces deux situations mais oui, ça m’avait pris du temps, beaucoup de temps même. Mais bon, j’avais fini par l’apprendre et, surtout, les choses s’étaient arrangées avec Dahlia, ce qui avait aussi beaucoup aidé. « Vraiment oui. Puis comme on bosse au même endroit, je préfère pas imaginer ce que ça aurait donné si on ne s’entendait pas. » On a beau ne pas travailler ensemble à proprement parlé, dans le sens où elle est mécanicienne alors que je suis pompier, le constat est le même : on bosse au même endroit et, surtout, on se croise souvent. Alors la paix qui s’est instaurée entre nous -et la bonne entente, évidemment-, autant dire qu’elle est définitivement des plus agréables et, surtout, elle est clairement la bienvenue.

Quand il mentionne mon boulot, un nouveau sourire s’étire sur mes lèvres. Quand j’ai décidé de quitter Los Angeles, disons que j’ai vraiment bien fait de choisir Bar Harbor. La caserne est devenue une deuxième famille et l’ambiance y est des plus agréables. Et puis, probablement que si j’étais resté à Los Angeles, je n’aurais pas envisagé l’idée d’être promu et de devenir lieutenant, évolution qui avait pourtant été des plus naturelles au sein de cette caserne. Au final, Bar Harbor et sa caserne m’avaient donné le changement de vie dont j’avais désespérément besoin et, surtout, ça m’a donné la chance de réellement tourner la page. Enfin, tourner la page, j’ai bien conscience que je n'oublierais jamais Jake, de toute façon je ne voudrais pas que ça arrive, mais disons qu’au moins, ça me permet de ne plus vivre entouré par nos souvenirs de façon constante, que ça soit chez nous ou au travail. Je pense souvent à lui et, en plus, ça me brise le cœur à chaque fois mais, au moins, j’ai pu évoluer. « C’est à la fois plus calme et différent de Los Angeles. » C’est vrai que depuis qu’il est là, on n’a pas encore été appelés, ce qui peut donner l’impression que l’on n’a pas trop de boulot mais, clairement, ce n’est pas le cas, cette journée est simplement plus calme que d’autres. « On est appelés un peu moins souvent, mais on a un peu de tout. Et puis, mine de rien il y a beaucoup moins de casernes à Bar Harbor qu’à Los Angeles, c’est aussi pour ça qu’on est appelés à peu près aussi souvent qu’à LA. » En même temps, la ville de Bar Harbor n’aurait pas d’intérêt dans le fait d’embaucher autant de pompiers qu’à Los Angeles, c’était tout bonnement inutile. Dans la situation actuelle, on est bien assez pour tout ce qu’il y a à faire. Assez pour ne pas se retrouvés à être débordés mais, aussi, assez pour ne pas aller au boulot pour rien. « Après, ce que je fais est un peu différent, mais c’est parce que je suis devenu lieutenant, j’ai des responsabilités que je n’avais pas quand j’étais à Los Angeles. Mais au niveau du boulot de pompier, c’est très similaire. » Les lieux ne le sont pas, eux, mais c’est à la fois un détail et une évidence.