All delighted people

Jesse & Alessia

new encounters

Le repérage, encore et toujours. Je ne saurais pas vraiment dire si c’était vraiment une part de mon emploi qui me plaisait. A la fois, au début, elle m’avait permis de découvrir des coins particulièrement reculés -et qui m’étaient donc inconnus- du parc, mais maintenant… Oui, disons que j’étais dubitative. Je ne pouvais pas non plus dire que je détestais ce que je faisais, tout simplement parce que c’était clairement une chose que je ne pourrai absolument jamais dire sur mon métier. Mais disons que oui, c’était peut-être une des parties les moins reluisantes de ce dernier, même si ce que je détestais le plus restait évidemment la paperasse, cette dernière m’empêchant évidemment de mettre le nez dehors.

Mais aujourd’hui, pas de paperasse, uniquement des recherches de zones à photographier. C’était ce que je faisais depuis plusieurs jours déjà, chaque jour me menant à l’inspection d’une nouvelle zone du parc. Je savais que j’en aurais encore pour un sacré bout de temps, mais j’avais au moins la chance que la météo soit clémente. Ca n’avait pas toujours été le cas ces derniers temps, l’arrivée du printemps n’étant pas nécessairement accompagnée par l’arrivée des beaux jours dans la belle ville qu’était Bar Harbor. Chaussures de randonnée solidement lacées, cheveux remontés dans un chignon hasardeux, veste nouée autour de ma taille au cas où le froid décide finalement de se pointer, et j’avais enfin décidé de sortir de mon bureau, puis du bâtiment qui nous était réservé. Appareil photo autour du cou, j’avais commencé par arpenter les sentiers principaux, décidée à retourner vers l’entrée du parc, histoire de reprendre là où je m’étais arrêtée la veille. On était un jour de semaine, ce qui voulait dire que la zone était bien moins occupée : merci bien. Ce n’est pas tant que ça me dérangeait de répondre aux questions des passants mais.. Disons que parfois, si, clairement. Leurs questions n’étaient pas toujours idiotes, j’avais déjà fait des rencontres pas si désagréables par ce genre de biais, mais disons que parfois, certains touristes me prenaient pour ce que je n’étais pas : une guide touristique.

Cette fois, je ne croise personne, ou en tout cas pas au début. Ce n’est qu’au moment où je prends la direction d’un sentier secondaire que mon regard se pose sur quelqu’un. A vrai dire, le jeune homme -il semblerait qu’il en soit un, même si je suis encore assez loin de lui-, est la première personne que je croise aujourd’hui qui ne bosse pas au parc. Cette simple information suffit à me faire arquer un sourcil, avant que mes deux sourcils se froncent alors que je vois que l’homme en question a un appareil photo entre les mains. Ma première hypothèse, c’est que l’homme en question est probablement un touriste qui a décidé de profiter de l’absence d’une potentielle « foule » humaine pour profiter des paysages. Clairement, je ne pouvais pas spécialement le blâmer, le parc était généralement bien plus agréable en pleine semaine. Ma seconde hypothèse, quand j’identifie son appareil en m’approchant, c’est qu’il est professionnel, ou à minima passionné. L’appareil en question n'est pas un appareil réservé aux amateurs et, en plus de ça, la façon dont il le tient et le manie semble indiquer une certaine habitude. Peut-être un touriste passionné par la photographie ? A moins qu’il soit là pour le boulot ? Clairement, le service d’archéologie n’aurait pas été prévenu par la venue d’un professionnel dans le parc, c’est plutôt les garde-chasses qui auraient été prévenus. Enfin, bref. Je finis par me rapprocher de lui, ne cherchant pas à être discrète dans mes pas, me râclant même la gorge histoire de ne pas le surprendre. J’attends que sa tête se tourne vers moi avant de prendre la parole. « Bonjour. Je suis Alessia Antonelli, je travaille ici. Je peux vous aider avec quelque chose ? » Ok, peut-être bien que j’en faisais des caisses considérant que la seule chose que je voulais savoir, c’était qu’est-ce qu’il foutait là, le monsieur.

@jesse taylor  

Jesse & Alessia

new encounters

Je fronce d’abord les sourcils quand il se présente comme travaillant avec l’office du tourisme. Je me creuse la tête, me demandant si j’ai vraiment entendu parler de ça, le tout en sachant pertinemment que le département d’archéologie est loin de faire partie des premiers informés de ce genre de visites. On est tous soit enfermés dans nos bureaux, soit perdus aux quatre coins du parc. Techniquement, les chances de croiser qui que ce soit devraient être assez faibles, même si je viens de prouver le contraire. « Vous vous êtes déjà annoncé à l’accueil ? » Si c’était le cas, ils lui auraient surement filé une carte, ou un truc du genre, avec certaines zones mises en avant par rapport à d’autres. Même si l’intégralité du parc peut être considérée comme étant plus que photogénique à mes yeux, certaines zones de ce dernier sont évidemment plus intéressantes que d’autres, surtout s’il est question de faire de la publicité pour le parc. « Comme ça, j’aurais une idée de ce dont ils vous ont parlé, ils vous ont surement donné une carte, ou un truc de ce genre. Dans tous les cas, oui, je peux clairement vous amener dans certaines zones qui pourraient être plus intéressantes d’un point de vue photographique. » Clairement, il fallait bien que je garde en tête que les photos qu’il faisait étaient bien différentes des miennes, donc je devais plus me mettre dans la peau d’un touriste qui serait devant les photos que dans ma propre peau, celle d’une archéologue.

Je lui adresse un léger sourire alors qu’il se présente. « Enchantée. » Mon regard suit le sien alors qu’il me fait un signe de tête, mes yeux se posant rapidement sur l’appareil que je porte autour du cou. Un sourire bien plus grand s’étire sur mes lèvres avant que je ne reprenne la parole. « Je fais partie du groupe d’archéologie. En ce moment, on est plusieurs à arpenter le parc pour prendre des photos de certaines zones, mais aussi de la faune et de la flore qu’on peut y retrouver, pour monter des dossiers. » Au final, d’une certaine manière, on était là pour les mêmes raisons, juste de deux manières différentes. Personnellement, je connaissais le parc comme ma poche et Jesse, lui, était chargé de le faire découvrir au plus grand monde. Quant à l’appareil… « On a changé d’appareils photos récemment, dans le service, je dois dire que c’est un bel investissement. Celui que vous avez, c’est le vôtre, ou il vous a été fourni par l’agence de tourisme ? » Clairement, je ne connais pas assez ses employeurs pour savoir quel genre de matériel ils fournissaient à leurs employés, alors je préférais encore demander que prendre le risque de me tromper. « Et pour ce qui est du parc, vous savez ce que l’office recherche en particulier ? Enfin je veux dire, ils vous ont fait des demandes spécifiques, ou pas du tout ? » Encore une fois, je ne les connaissais clairement pas assez pour pouvoir prétendre savoir ce qu’ils recherchaient. En plus de ça, s’il y avait eu le moindre briefing par rapport à l’arrivée de Jesse dans le parc, même si ce n’était que pour une journée, je n’avais pas été là ce jour-là, ou alors je n’avais pas été conviée au briefing, au choix. Dans tous les cas, il serait le seul qui pourrait me renseigner.

@jesse taylor  

Jesse & Alessia

new encounters

J’écoute les propos du jeune homme, tentant au passage de rester ouverte d’esprit. Je sais pertinemment que je peux me montrer fermée -parfois inutilement- face à certaines personnes que je ne connais pas et qui se pointent dans le parc. Mais avec lui, c’est censé être différent, parce que tout indique -à commencer par lui- qu’il est ici pour des raisons plutôt professionnelles. Donc de professionnel à professionnel.. Je suppose que je pouvais me montrer compréhensive. Et puis.. Je dois dire que ce qu’il me dit me parle, j’avais fait le même genre de choses quand j’avais commencé ici, travaillant d’abord à l’accueil. Le parc était tellement attrayant, comment ne pas avoir envie de flâner et de découvrir les yeux par soi-même ? « Je peux comprendre. Le parc est attrayant et, même si je manque surement d’objectivité, sacrément riche en paysages divers et variés. C’est bien, que vous ne vous contentiez pas des simples prospectus donnés à l’accueil. » A condition qu’il ne finisse pas perdu, évidemment. Dans ce cas-là, ça risquait de demander de la main d’œuvre en plus et.. Ouais, certains n’apprécieraient probablement pas, je suppose.

J’écoute une nouvelle fois les propos de Jesse, ne pouvant qu’acquiescer face à ses paroles. C’est sûr que quand on travaille toujours au même endroit, on perd ce regard neuf dont on aurait parfois besoin. Je devais dire que j’appréciais son point de vue et, par conséquent, sa façon de faire. « C’est bien, comme façon de penser. Tout le monde ne la partage pas, je dois dire. Mais oui, je vois très bien ce que vous voulez dire. Ceci dit, par rapport au fait que vous soyez un touriste, c’est pas plus mal qu’ils se soient tournés vers quelqu’un comme vous, justement. En soi, c’est des informations généralement mises à disposition des touristes, le fait que ça soit photographié de leur point de vue, si on peut dire, ça ne peut qu’aider. » Alors évidemment, s’il y avait des écrits accompagnant les clichés du jeune photographe, ils seraient rédigés par des personnes habituées du parc -je suppose, à minima-, mais soyons honnêtes, les photos étaient et resteraient ce qui serait le plus regardé par les principaux intéressés. J’acquiesce une nouvelle fois face à ses propos. « Ce n’est pas surprenant. Le parc n’est pas encore complètement repris par les visiteurs à cette saison, les animaux sauvages en profitent encore pour se balader à peu près n’importe où, sauf près des sentiers les plus fréquentés, évidemment. Et pour l’appareil.. Oui, je dois dire que c’est vraiment bien, qu’on ait accès à ce genre de matériel. Ca n’a pas toujours été le cas, mais c’est pas plus mal, que ça ait changé. » J’avais clairement fait partie de ceux qui avaient cherché à convaincre les gérants des finances d’investir dans ce genre de matériel. On n’était pas sur du matériel de pointe, mais pas loin, donc au final, c’était pas plus mal. On en avait bien besoin, de toute manière. Je suis finalement assez impressionné quand il me dit qu’il possède son propre studio. Ce n’est pas toujours facile de se faire repérer, surtout quand on bosse à son propre compte. Alors réussir à décrocher un contrat avec l’office du tourisme.. Ca en disait long sur ses capacités photographiques, d’après moi. « Bravo, je dois dire. Ce n’est pas toujours facile de se lancer à son compte, apparemment. C’est bien, que vous ayez pu réussir. »

Quand il reprend la parole, cette fois pour m’expliquer ce que recherchait l’office du tourisme, mais aussi pour me demander mon « aide », d’une certaine manière, je prends le temps de réfléchir quelques secondes. Je regarde rapidement ma montre, ce simple regard jeté par hasard me confirmant que j’avais du temps devant moi. « Je peux vous aider, oui. Je vous promets pas de le faire d’un point de vue de touriste, par contre. » Tout au mieux, si je ne le faisais pas de manière trop professionnelle, je le ferai du point de vue de l’adoratrice du parc national que j’avais toujours plus ou moins été. « Vous pouvez me passer votre carte ? Que je vois déjà un peu mieux ce qui vous a été recommandé par l’accueil, histoire de ne pas faire de redite. » Il n’était pas là pour ça, après tout.

@jesse taylor