All delighted people

out of the forest, i come with my flowers

T'es née dans une famille unie où tout le monde était réuni le dimanche autour d'un bon repas, et d'une partie de football dans le grand jardin. Ta grand mère t'a appris la cuisine avec ta grand-mère qui était un véritable cordon bleue. Ton père t'as enseigné à être habile de tes mains. Il avait une passion pour le travail du bois. Passion que tu as hérité et que tu exerces encore aujourd'hui.

Troisième enfant d'une famille de cinq, la maison a toujours été animée. Encore plus quand ta mère, qui était avocate pour les services sociaux, accueillait des enfants en attente d'une famille d'accueil. Il y a avait des rires, des larmes, des colères et des menaces, des manigances et des fêtes. Une enfance comme tu le souhaitais à tout le monde.

L'école était une source perpétuelle de connaissances. Avide de savoir, tu étais celle qui avait toujours le nez dans les bouquins, celle qui levait la main à chaque question, celle qui se proposait toujours pour aller au tableau. Celle qui était jalousée et parfois moquée. Mais tu t'en fichais. Déjà à l'époque, tu avais assez de caractère pour ne pas te laisser marcher sur les pieds. Puis tu avais tes frères et sœurs, tes amis et lui.

C'est en primaire que tu l'as rencontré pour la première fois. Nouvel élève, nouvelle école. Il était là, dans le couloir à côté de ses parents qui venaient de l'inscrire. Tu l'as remarqué tout de suite, ses yeux bleus intenses, son regard déterminé et ce petit sourire en coin qu'il avait déjà. Tu ne le savais pas à l'époque, parce que vous aviez à peine sept ans... mais il allait devenir l'amour de ta vie.

En grandissant, tu te découvrais une passion pour la médecine. Tu suivais souvent ton grand-père qui était médecin à domicile. Son métier te fascinait. Et tu étais naturellement douée pour soigner les gens. La vue du sang ne te faisait pas peur. Recoudre une plaie béante non plus. Tu étais déterminée à faire le même métier. Ce qui n'était pas facile, tu le savais. De longues études t'attendaient. Mais tu te sentais prête. Tu avais le soutien de tes proches.

Le premier baiser, tu t'en souvenais très bien. Tu avais quatorze ans. C'était au début de l'été. Cela faisait déjà deux ans que tu t'étais rendue compte de tes sentiments envers Clyde. Clyde qui était devenu ton meilleur ami, ton confident, ton acolyte de sorties, ton adversaire dans vos soirées de jeux vidéos. Petit à petit, le petit garçon du couloir que tu avais aperçu des années plus tôt, avait fini par faire partie intégrante de ta vie et de toutes tes pensées. C'était déstabilisant tout ce que tu ressentais pour lui, intense, avide, fusionnel. C'était la première fois et parfois cela te faisait peur.

Tu essayais de concilier tes études avec ta vie privée. Clyde était à la faculté. Il avait choisi l’ingénierie. C'était un as pour bidouiller tout ce qui passait entre ses mains. Cela te plaisait. Tu aimais voir son air concentré quand il tentait un nouveau projet. Même si vous aviez des emplois du temps compliqués, tu arrivais toujours à lui consacrer du temps tout comme lui.  Tu ne voyais pas ta vie sans sa présence. Il était tout pour toi. Comme si vous étiez nés pour être destinés l'un à l'autre. Comme si ensemble, vous étiez un tout.

Le mariage était une évidence. Et quand il a fait sa demande, un soir devant un couché de soleil, tu n'as pas réfléchi. Tu voulais porter son nom, ses enfants. Mais avant ça, tu voulais terminer tes études de médecine. Tu avais été accepté en faculté et tu consacrais à présent, la plupart de ton temps à tes études. Ce qui engendrait parfois des disputes avec Clyde qui voulait vivre avec toi et commencer cette vie à deux. Mais tu ne voulais pas. Pas tant que tu n'avais pas ton diplôme. Il faut dire que vous aviez à peine vingt ans. Les parents de ton fiancé vous trouvaient un peu jeunes pour franchir le cap. Ils préféraient que vous terminiez vos études avant de vous installer ensemble.

Pour toi, ce n'était qu'une histoire de temps. Il était évident que vous alliez vous marier. Mais Clyde a commencé à être moins indulgent quand tu bossais comme bénévole au dispensaire, quand tu allais boire un verre avec tes amis, quand tu rentrais un peu tard. Tu le voyais avoir les nerfs à fleur de peau. Et tu ne comprenais pas. Il refusait de parler et cela te minait le moral. Si bien que tu avais parfois du mal à te concentrer sur ce que tu faisais, sur tes révisions.

Cela a duré un an. Rien n'avait vraiment changé. Si bien que, totalement anéantie, tu avais demandé une pause. Tu avais besoin de te recentrer et de ne pas essayer constamment de faire la balance entre tes études et lui. Mais Clyde n'était pas d'accord. Il t'aimait et il ne voulait pas que tu le quittes. Mais tu étais fatiguée. Malgré tout l'amour que tu ressentais pour lui, tu avais besoin de temps, de calme. Pour toi, c'était juste une pause, un moment pour toi. Parce que oui, Clyde, malgré ses défauts, il était une partie de toi. Mais là, maintenant, à ce moment-là, tu avais dis stop. Tu ne l'avais pas écouté quand il t'avait dit qu'il ne voulait pas vivre sans toi.

Et un soir, après un énième texto, où la colère avait fait surface, tu avais coupé la conversation pour ne pas écouter ce qu'il avait à te dire. C'est en rentrant chez toi que ta mère t'a appris le drame. Clyde venait de mettre fin à ses jours. Tu étais choquée. Tu as mis quelques secondes pour réagir avant de quitter la maison pour te rendre chez lui. Tu as couru, sans regarder autour de toi. Tu es arrivée essoufflée face à une ambulance, la sirène silencieuse. Tu savais ce que cela voulait dire. Mais tu voulais le voir. Tu avais crié à en perdre haleine face à son visage figé pour l'éternité. Tu l'avais embrassé, respirant son parfum, touchant son visage. Jusqu'à ce que sa mère t'ordonne de partir, de ne plus apparaître devant ses yeux. Parce que pour elle, tu étais responsable de sa mort... Et elle avait raison, tu l'avais tué.

Cela fait maintenant sept mois que Clyde s’est ôté la vie et tu portes encore sa bague de fiançailles. Tu as arrêté tes études. Toutes envies et rêves ont quitté ton esprit et ton corps. Tu n'es plus qu'une coquille vide. Tu n'arrives plus à aller de l'avant. Clyde t'a amputé d'une partie de toi même, d'une partie de ta vie. Tu sais que tu dois aller de l'avant mais c'est difficile, surtout avec cette culpabilité sur le dos. Et puis, as-tu vraiment envie de vivre sans lui ? Toi qui était si studieuse, tu passes tes soirées au pub, dans des soirées où tu consommes des produits illicites, les mêmes que tu fuyais autrefois. Tu ne veux plus penser à rien, à ce deuil que tu ne fais pas. Pourtant, quand un gars te drague, te touche et t'embrasse, tu fonds en larmes, parce que tu sais que ce n'est pas Clyde. Et que ça ne sera plus jamais lui.