Ça devait arriver. Attend un peu que les autres l'apprennent, tiens. Parce que Patience, dont on attend toujours l'arrivée imminente, va probablement raconter ça sous le couvert du demi secret à Salathiel et que Salathiel est la dernière des commères, donc en douze heure, tout le monde sera au courant. Ce qui veut dire que les coups de téléphones intempestifs vont recommencer, en encore plus insistant. Peut être même que là, comme c'est du médical, Sela , sa petite Sela va s'y mettre aussi. Il a tout fait pourtant pour que ce moment n'arrive pas . Ou presque. Il est vrai qu'il commençait à être en manque de médicaments et que son ordonnance était périmée. Il est vrai aussi qu'il n'a pas pris le temps d'aller voir un généraliste pour lui expliquer son problème. Aller voir le médecin, c'est se retrouver pendant une heure minimum à devoir parler de lui , de lui et encore de lui. De son accident, de sa jambe, de la dépression, de la rééducation. La première fois, c'est sa mère qui s'était chargé du topo. Le seconde fois, c'était Temperance avec toute sa ... tempérance (non)( mais comme c'était son médecin de famille qui la suivait pour sa grossesse et accessoirement un camarade de faculté de son doux mari, le type avait été 1. briefé 2. une crème.)
Cette fois ci, Ira s'était lâchement dit que cela pourrait attendre la venue de Patience, justement, qu'elle aurait pu narrer les aventures de son frère au toubib et que le problème aurait été réglé. Pas tant qu'il pense que ce soit un rôle féminin ou quoi, juste, il fallait que ça ne soit pas lui. Il n'y avait pas de secret, s'il avait fui durant toute ses années le cabinet d'Abner et de ses soixante-quinze collègues recommandés, c'était pour une raison. Si le psychologue de la clinique de rééduque n'avait pas réussi à lui tirer un mot alors qu'il était d'habitude si prolixe, c'était pour la même raison. En attendant, c'était aussi pour cette raison qu'il était actuellement aux urgences, en plein milieu de la nuit, avec une poche d'anti-douleurs accroché au bras avant qu'une infirmière, il ne sait plus laquelle, lui dise que, nonobstant la douleur, il pouvait attendre qu'un médecin de garde se libère , au milieu d'un sermon sur le fait de suivre ses prescriptions avec diligence (Ira lui avait demandé quelle race de cheval pour l'attelage , la blague était nulle , il était vraiment mal) et que franchement, il exagérait à encombrer les urgences d'un coin aussi paisible pour des prunes (l'expression anglaise étant à base de noisettes, Ira avait tenté une plaisanterie à base d'écureuil sans grand succès non plus. Pas sûre qu'il blague à base d'alcool (de prune) ou de confitures(de prune) l'ait sauvé de la débâcle non plus. ).
Il ne savait plus trop comment il avait réussi à attendre l’hôpital d'ailleurs. Enfin si. Il sait qu'il a eu la présence d'esprit dans sa douleur de se trainer pour qu'Hyrum ait de l'eau et des croquettes pour une semaines parce qu'on sait jamais et qu'il avait envoyé un message cryptique à la dernière personne dont il avait écouté les vocaux (Abilene). Le message devait ressemblait à, fautes comprises : "Kat. Ned Keping. Key ud 3 lat right bnt door", ce à quoi il avait adjoint la localisation de la maison (merci whatsapp). Il se souvenait ensuite avoir réussi à se trainer dehors , fermer la porte à clé, se trainer dans la rue , puis blanc, puis intérieur d'ambulance, puis reblanc, puis brancard, puis infirmière revêche , puis passage sur un siège avec la fameuse perf. Tiens d'ailleurs, miracle, il a toujours son téléphone et son porte feuille. A Toronto, il n'aurait eu plus rien. C'est peut être le charme des petites villes.
En attendant, il est là, à fixer le plafond, à chercher quelqu'un avec qui copiner pour faire passer le temps mais l'endroit où on le fait attendre est désespérément vide . Ça ne ressemble pas à une salle d'attente d'ailleurs. Le type qui lui posé la perf a dit qu'il lui fallait impérativement du calme . Et comme il essayait de taper la discut à tout le monde pour parler de son chat, de sa sœur Sela qui est médecin, de sa sœur Patience qui arrive, de sa sœur Abilene qui doit transmettre le message pour le chat mais le chat à quand de quoi voir venir mais il aime bien les caresses donc c'est bien si on peut y aller tous les jours . Tiens d'ailleurs le chat s'appelle Hyrum, est ce qu'il a parlé de de son frère qui s'appelle comme le chat et ...
Tiens, à bien y regarder, ça ressemble furieusement à une salle de pause pour les infirmières, ce placard à balais.
Enfin bref, c’était mal partie et la journée ne faisait que commencer. En mettant un pied dans le service, elle découvrit l’équipe de nuit en train de courir et le chariot d’urgence au bout du couloir. Un arrêt cardio respiratoire dès le matin. Il n’y avait pas un instant à perdre, elle s’était mise au travail sans même réfléchir. La matinée s’était déroulé dans la même optique, ne lui laissant pas une seule seconde de répits. Aurel avait fini par la rejoindre en fin de matinée. Ce n’est qu’à 15h qu’elle put enfin souffler et s’octroyer une pause. Elle se sépara d’Aurel, lui laissant également sa pause.
Vu l’heure tardive, elle ne fut pas étonnée de constater qu’il n’y avait plus rien à mangé dans le frigo de la salle de pause. Quelques fois, il restait des plateaux patients. Elle décida donc de descendre dans la salle de pause des urgences afin de voir si elle trouvait quelque chose à manger.
A peine entrée dans la salle de pause, qu’elle découvrit un visage inconnu. A en croire sa position, ses habits et son bracelet d’identification au poignet, ce n’était pas un soignant. Elle se pencha pour voir le nom inscrit dessus « Ira Kipling » Qu’est-ce qu’il faisait là ? Millie savait que parfois la salle d’attente était surchargée et qu’ils avaient besoin d’isoler les patients, mais dans la salle de pause ? Vraiment ? Du jamais vu. Peut etre que celui-ci c’était égaré ? Millie jeta un coup d’œil rapide dans le couloir voir si elle croisait un ou une collègue afin de demander. - Le néant– A croire qu’il n’y avait pas qu’en cardiologie ou c’était le bordel. Surement était ce la pleine lune, elle se notait dans un coin de la tête d’aller vérifier à l’occasion.
Elle s’approcha alors de l’inconnu et alluma son téléphone pour aller sur son application d’interprète. Elle écrivit son message et une voix féminine pris la parole pour dire à voix haute son message. « Bonjour, je suis Millie une infirmière de Cardiologie, que faites-vous ici ? Vous êtes dans une salle de pause réservé au personnel. Vous êtes venu seul ou quelqu’un vous a amené ici ? Répondez-moi en parlant normalement et en me regardant bien en face » Millie avait tiré une chaise pour s’assoir face à cet inconnu pendant que la voix parlait à sa place. Voila que sa pause passait à la trappe, elle pourrait surement dire adieu à son repas de la journée. Elle analysa cet homme, qui semblait plus s’ennuyer que souffrir, du moins c’est ce qu’il laissait paraitre. « Vous avez mal quelque part ? » parla la voix du téléphone.
Il y eu finalement peu de solitude si on minutait cela de manière correcte. Mais pour Ira, l'attente sembla durer une éternité et même plus. Il n'avait pas l'habitude. Même ici, loin de sa famille, Hyrum-le-chat faisait un compagnon ronronnant avec qui discuter à sens unique tout à faire acceptable. Même que des fois, il répondait tout en miaulement et en roucoulement félin. En attendant, la nouvelle venue, une infirmière à n'en pas douter au vu de l'uniforme et de la pièce, ne semblait pas avoir été briefée par ses collègues des urgences qui l'avait consigné ici comme un enfant que l'on met au coin. Le regarder bien en face ...
"Vous avez des problèmes d'audition ?"
Question idiote, c'est une synthèse vocale qui parle à sa place, évidemment qu'elle a un problème? Il s'éclaircit la voix. Et relâche les vannes.
"Alors, c'est un peu compliqué. Au début, j'attendais avec les autres dans la salle d'attente parce que les box étaient tous pleins avec la perfusion, il y a un accident de la route ou je sais pas trop quoi dans le coin. En même temps, il parait que les touristes sont revenus et qu'ils font n'importe quoi sur les routes, c'est votre collègue , Teddy je crois, qui expliquait à une autre de vos collègue. Il a un truc avec les mauvais conducteurs, il était complétement hargneux. En même temps, c'est dangereux de conduire n'importe quoi et surtout bourré, ça peut vous couter à défaut, la vie, mais sinon votre santé et souvent beaucoup d'argent s'il y a un tiers dans l'accident et que vous avez un bon avocat. Mon frère, Gideon, est avocat , et une fois, ça a couter beaucoup d'argent , plusieurs millions, je sais pas s'il m'a dit ça pour l'exemple ou parce que c'est vraiment plusieurs millions. Après, il est très précis ,c'est normal pour un avocat, faut citer son droit correctement pour trouver les failles et convaincre un juge, que ce soit quand vous défendez ou que vous emmenez en justice pour un client. Je crois qu'on dit comme ça, c'est que je l'écoute pas toujours quand il raconte, c'est pas toujours palpitant. "
Ira secoue la main qui n'est pas accrochée à la perfusion d'antidouleurs d'un air parfaitement entendu, comme si Millie l'infirmière en cardiologie était forcément d'accord avec lui. Après, elle était infirmière, elle devait pas croiser des avocats tous les jours ou alors ça serait une mauvaise nouvelle, surtout dans le monde de la santé. Il n'avait jamais eu à gérer de ce genre d'affaire, ils étaient trop bas dans la hiérarchie avec Eryn. Eux, c'était surtout petits trafics, querelles de voisinages et chats perdus. Non puis, dans ce genre d'affaire, y'a des tonnes de trucs à lire alors heureusement que c'est pas tomber sur lui. Il aurait peut être du déclarer du conflit d’intérêt , dès fois que Gideon se retrouve commis d'office là dedans. C'était arrivé une fois au tout début mais finalement, ça s'était réglé à l'amiable. Et heureusement, sinon il aurait fallu présenter Eryn, toute la famille aurait été au courant et ça aurait été ... l'horreur absolue. Sa bonne étoile le garde.
"Puis lui en général, il est pas des masses palpitant. Genre, vous vous êtes déjà imaginer le stéréotype de la réussite dans le vie ? Genre avec la belle maison en banlieue dont on est propriétaire, avec une femme ,parfois au foyer, parfois qui travaille, les deux enfants qui font des bonnes études dans un établissement avec des uniformes pour avoir un bon travail et le chien, très important le chien. Et bien il a tout ça, c'est tellement pas palpitant que ma sœur Patience lui invente une autre vie amoureuse rocambolesque dans ses romans. Elle est connue ma sœur, vous avez peut être déjà lu ses livres , je sais plus son nom d'auteur, je crois que c'est Salathiel qui l'a choisi , c'est un autre de nos frères, lui il est acteur. Vous savez quoi ? Elle doit venir. Je suis pas censé le savoir mais notre autre sœur Abilene m'a prévenue, c'est pour ça que je lui envoyé un message pour que Patience ou quelqu'un d'autres aille s'occuper de mon chat. Enfin,j'écris pas très bien, j'espère qu'elle a compris. Moi même je suis pas sûr de comprendre ce que j'écris. Je suis pas très bon avec les mots, mais Patience, elle, si. "
Et il reprends son souffle, parce qu'il faut bien quand même de temps en temps, et accessoirement guetter que l'interlocutrice , non, la victime du moment , tient toujours sur la longueur. D'ailleurs, notons qu'il n'a finalement toujours pas répondu à sa question .
"Et du coup, revenons à Teddy, je discutais avec Madame Castello, elle s'est fait un tour de rein, complétement bloqué, elle attendais de voir le médecin et le kiné de garde. Son fils travaille dans un restaurant à New York et arrêtait pas de lui envoyer des messages vocaux pour savoir comment elle allait. Une Sainte femme, on s'est dit que quand elle irait mieux et que ma poche d'antidouleur serait finie, on irait se boire un thé, comme ça je lui présenterait mon chat ... Bref, je crois que je causais trop. Ça énervait Teddy, je trouve pas que je parle trop , il est vraiment irascible, peut être sa fin de service . En tout cas, y'avait toujours pas de box de libre du coup on m'a mis ici en attendant .Il fallait que je me taise aussi. Je crois. Ils pensent que c'est un effet secondaire de l'antidouleur. Je raconterai ça à Patience quand elle arrivera, ça le fera rire. J'ai pas l'impression que l'antidouleur y soit pour quelque chose. On me demande très souvent de me taire. C'est drôlement pratique cette application. Vous écrivez et ça parle pour vous ? Vous veniez pour faire usage de la salle de repos ? Vous savez, on s'est déjà occupé de moi , vous pouvez faire comme si je n'étais pas là. Les pauses, c'est important"
Millie avait beau être à l’aise avec la lecture sur les lèvres, il faut avouer que dans ce cas précis, il était compliqué pour elle de tout comprendre. Il débitait un nombre impressionnant de mots à la seconde. « Box », « Perfusion », « accident », « touristes », « conducteurs », « avocat »,« millions » sont les mots qu’elle réussit à déchiffrer parmi tout ce charabia. Elle n’était pas sûr de bien comprendre la situation. Avait-il eu un accident de la route causé par des touristes ? Était il lui-même un touriste ? Voulait il contacter un avocat ? Ou l’était il ? Pensait il que ça allait lui couter des millions ? Elle n’était même pas certaine d’avoir cerné le sujet de la conversation, mais commençait à comprendre la raison de sa présence ici.
Le flou de la situation lui fit froncer les sourcils, ce qui ne sembla pas gêner son interlocuteur qui repris son monologue. La deuxième partie de son récit sembla complètement hors sujet de la situation actuelle. Était ce un patient psy en plein délire ? Il semblait parler de sa famille, Millie avait cette fois-ci réussi à capter des phrases entières, mais cela ne lui avait pas servit à mieux capter la raison de la présence de celui-ci dans la salle de pause des infirmiers. Enfin, elle avait sa petite idée. Surement que ce moulin à parole avait causé de l’énervement vis-à-vis des autres patients et qu’il avait dû être isolé. Sachant qu’il n’était pas possible de l’enfermer dans une réserve matériel, les infirmiers c’étaient tourné vers leur propre salle de pause. - Le sacrifice ultime -
Millie n’avait rien dit, elle se contentait d’essayer de suivre et de faire ses hypothèses. La situation l’amusait en quelques sortes. Cet homme avait peut-être juste besoin de compagnie finalement, il n’avait pas l’air dangereux, juste dans son monde.
Avant que celui-ci ne commence son troisième monologue, l’infirmière jeta un coup d’œil à l’étiquette posé sur la perfusion, histoire de voir de quoi il s’agissait, au cas ou il y avait un antipsychotique, ce qui n’était pas le cas, un simple antalgique. Mais que diable lui était il arrivé ?
« Je crois que je causais trop » réussit à comprendre Millie, qui laissa échappé un sourire amusé, validant cette remarque pertinente. Il n’était peut-être pas si fou que ça. Il valida par ses propos qu’il avait été mis là, à cause de sa prise de parole excessif et qu’il s’agirait d’un effet des antidouleurs ? Millie avait du mal à se retenir de ne pas rire, pas qu’elle souhaitait de se moquer de lui, loin de là, mais sa journée déjà chaotique lui servait encore sur un plateau une situation incongru. Elle se notait mentalement d’écrire tout ça le soir même pour ne pas oublier cette journée de folie. Il n'avait pas répondu à ses questions ou alors elle n'avait pas saisie.
Le patient nommait ce qui ressemblait à des noms de personnes, comme si Millie était familière avec la vie privée de celui-ci. - Pas fou, mais peut-être un petit peu dérangé quand même. – Passant du coq à l’âne, il se reconnecta à la réalité, comme si il venait de se rappeler qu’il y avait quelqu’un devant lui. « Oui c’est ça » signa-t-elle sans même utiliser sa synthèse vocale, elle était persuadé qu’il n’avait de toute façon pas besoin de comprendre vraiment ce qu’elle avait à dire pour pouvoir parler. « Je viens ici pour manger » continua-t-elle à signer en rajoutant « Manger » à voix haute, avec sa propre voix.
Dans tous les cas, elle avait trouvé une compagnie pour le repas, qui n’était pas si désagréable que ça finalement. Millie se leva pour ouvrir le frigo. Il y restait pas mal de choses, plusieurs plats, pleins de compotes, yaourt et une part de tarte au citron. Elle prit la tarte, un plat et un yaourt qu’elle posa sur la table, puis se tourna vers le patient, en lui montrant le frigo pour lui faire comprendre si il voulait quelque chose, avant de signer. « Vous voulez manger quelque chose ? » signa-t-elle, persuadé qu’elle n’avait pas besoin de traduire pour qu’il comprenne. C’était de la nourriture destiné aux patients, il était donc complètement légitime, si il voulait manger.
Il aurait pu continuer longtemps, sur l'importance des pauses et leur régularité afin de mieux traiter la patientèle et vous savez, il parait que des études à ce sujet dise que ... c'est ma sœur qui me l'a dit , ma sœur, elle est médecin, c'est une super médecin, elle travaille à Montréal, elle est fantastique ma sœur, en fait, c'est elle que j'aurai du appeler quand ça allait pas mais j'allais pas la déranger pour si peu ... Mais pendant qu'il parle, il réfléchit en même temps. Son interlocutrice est sourde ou mal entendante et qu'il est donc probablement en train de lui polluer le peu de son qu'elle peut entendre si c'est le cas et sinon lui demander une et fastidieuse lecture sur les lèvres. Peut être qu'il devrait se mettre à la langue des signes, cela lui permettrait de pouvoir discuter avec encore plus de monde. D'ailleurs
"Dites, c'est compliqué à apprendre la langue des signes ? Non parce que je me dis que ce serait peut être une bonne idée d'apprendre. Comme ça, vous auriez une personne en place avec qui parler sans faire usage de la commande vocale de votre machin là et ce serait moins fatiguant pour vous. Enfin, faudra voir ça quand vos collègues m'auront débranché de la perfusion, parce que si je commence à faire des grands gestes avec la perfusion accrochée au bras, le fait que je sois bavard sera le cadet de leurs soucis et ils vont vraiment me mettre un calmant. Je crois que c'était leur plan si cette pièce était pas vide. Sauf que si mes souvenirs sont bons , quand on me shoote, je suis encore plus bavard et en plus on comprend rien de ce que je raconte ce qui rend la situation encore plus horripilante pour les gens qui ne me supporte plus. Du coup, manger, ça se dit comme ça ? "
Il imite, plutôt bien d'ailleurs, les gestes que vient de faire l'infirmière devant lui. Quand on a des soucis avec les mots et les écrits, on a une bonne mémoire sinon, on ne survit pas au monde moderne.
"C'est bien, ça veut dire que je ne mourrais pas de faim si jamais je me retrouve dans une assemblée de malentendants. Je crois que je me souviens de comment on dit lapin aussi. Ma sœur Temperance a eu des jumeaux et elle est partie dans un trip à un moment de leur apprendre la langue des signes pour les comprendre avant qu'ils sachent parler. Donc je me souviens de deux trois signes, je ne sais pas si ce sont les mêmes dans la "vrai" langue des signes. "
S'enchaine assez naturellement les mots "gâteau", "lapin" et "calin" en langue des signes au bout de ses doigts tandis que le caténaire tape contre la perche de perfusion. Il regarde la nourriture qu'elle lui présente et secoue vigoureusement la tête. Il a à peu près compris l'idée . D'ailleurs, son débit de parole a ralenti et il s'arrange pour former correctement chacun des mots.
"De mémoire, avec cette perfusion, je n'ai pas le droit de manger parce que cela me donnerait des nausées. On ne voudrait pas ça . Mais la tarte au citron à l'air délicieuse. Il y a une boutique ici qui en fait une excellente, à Somesville. Vous la connaissez ? J'ai gouté leur tarte, le foret noire ... j'aimerais bien essayer leur roulé à la cannelle mais ce n'est pas trop la saison. Peut être que c'est là que je devrais emmener madame Castillo, qu'est ce que vous en pensez ?"
Il sourit
"Et sinon, ça a quoi de particulier les infirmières en cardiologie ? Par rapport aux autres normales ?"
« Ca dépend des personnes, c’est presque innée pour moi, je l’ai appris dans l’enfance comme vous avez appris à parler, donc je ne pourrait répondre à la question, mais je suppose que comme n’importe qu’elle langue, il y a des choses plus facile et d’autre plus compliqué. » Elle l’observa essayer de signer « manger » et à vrai dire il ne se débrouillait pas si mal que ça, ce qui n’était pas donner à tout le monde.
« Vous signez plutôt bien » écrivit-elle sur son téléphone, alors que la voix féminine s’exprima une fois de plus à sa place. Millie le regarda ensuite signé des mots qu’il semblait avoir appris par le biais de sa sœur, si elle avait bien tout compris. Elle lui fit signe de bouger un peu moins, de peur qu’il finisse par arracher la perfusion avec tout ses mouvements. « Bien » prononça-t-elle à voix haute, pour montrer qu’elle avait bien compris ce qui’il avait signé.
D’un coup, c’est comme s’il venait de comprendre qu’il faisait face à une malentendante et son débit de parole se mit à ralentir. Le suivre devint soudainement beaucoup plus facile.
Effectivement, proposé de la nourriture à un patient dont elle ignorait la raison de sa présence ici, n’était pas très intelligent. Toutefois, cela ne sembla pas plus perturbé son interlocuteur que ca, qui continua à raconter sa vie et discuter de tout et de rien. « Je ne connais pas encore bien Bar Harbor, je ne suis pas arrivée depuis longtemps. Vous habitez ici ?» répondit-t-elle en posant son téléphone sur le coté, alors qu’elle tourna quelques instant le dos à l’inconnu pour faire chauffer son plat dans le micro-onde, réfléchissant à ce qu’il venait de dire. Qui était madame Castillo ? Elle n’en avait pas la moindre idée, mais était ce vraiment utile de demander ? Elle ne pensait pas, donc elle se contenta seulement d’hocher la tête positivement. Millie rigola face à la question d’Ira. « Je suis une infirmière normal » signa t-elle avant d’attraper son téléphone pour l’écrire et rajouter. « Je suis juste spécialisé dans les maladies cardiaque. » Après quoi elle sortie son plat et s’installa à la table face à son interlocuteur pour commencer à manger.
« Vous devriez essayer de bouger moins, vous allez finir par arracher vos perfusions et pas sur que mes collègues soient heureux de faire cette découverte. » Elles ne les connaissaient pas encore bien, mais aucun soignant n’était heureux de faire cette découverte. « Vous faites quoi dans la vie ? »
Ira a l'air beaucoup trop heureux pour un gamin de quarante quatre ans qu'on a mis au coin pour punir son indiscipline et ses bavardages incessants. Peut être qu'il est heureux d'avoir trouvé une interlocutrice, toute malentendante qu'elle soit, plutôt ouverte à écouter ses longues logorrhées sans queue ni tête sans broncher et pire, qui le relance sans aucun mal. En vrai, il en a déjà trouvé quelques uns à Bar Harbor, plus qu'à Edmonton, Lafayetteville, Montréal ou Toronto en tout cas, alors que, si on était parfaitement logique, il aurait du proportionnellement en trouver plus. Les gens des mégalopoles ont rarement le temps pour ce genre de fanfaronnades et c'est d'ailleurs pour ça qu'il ferait un bien mauvais flic à Bar Harbor. Certes, les délits sont bien moins nombreux et bien plus minime, il faudrait que les questionnes les prochaines personnes agées qu'il croisera pour se renseigner sur les derniers meurtres. Il imagine quelque chose de bien kitsch, comme une femme trompée qui balance son mari à la flotte et que les pécheurs retrouvent dans leur filet au petit matin, à moitié bouffé par la loutre (qu'Otter creek porte bien son nom pour une fois) ou une sombre histoire de vol de canne à pèche qui finit en règlement de compte avec des batailles rangées entre deux familles rivales. Tiens, ça pourrait donner des idées à Patience quand ses intrigues policières ne serviront pas de prétextes fumeux à ses romances dans ses bouquins. Quoi que, ça marcherait aussi surement très bien, suffit de regarder les feuilletons à la télévision. Tiens, il faudrait qu'il en achète une de télé si la famille débarque. Une où tu peux mettre les vidéos du téléphone dessus, pour les futures soirées films qui s'annoncent s'ils viennent tous les uns après les autres. D'ailleurs ...
"Vous sauriez où je pourrais trouver une télévision ici ? Genre un écran où on peut mettre ... zut ... Vous savez, on choisit sur son téléphone, on appuie sur un bouton en haut à droit de l'écran et pouf, ça se lance sur la télé. Il va me falloir ça. Doit bien y avoir une boutique qui a ça , non ?"
Non parce qu'il pourrait très bien la commander sur Amazon comme tout le monde . Sauf que ça signifierait , étape 1: expliquer à la synthèse vocale google ce qu'il veut; étape 2 : se faire troller par ladite synthèse vocal qui lui recherchera au mieux des ordinateurs, au pire une parure de lit (pourquoi une parure de lit ? On sait pas); étape 3 : grommeler et tenter de taper manuellement sa recherche ; étape 4: y passer une heure parce que le clavier prédictifs lui propose, face à son orthographe approximative, des mots chelous ; étape 5 : réussir ENFIN (Alléluia) à rentrer des termes de recherche satisfaisant; étape 6 : appuyer sur le bouton loupe comme un de ses neveu ou nièce a du lui expliquer et ça, il s'en souvient; étape 7 : voir une trillion de résultats qui s’affichent avec des descriptifs long comme le bras; étape 8 : abandonner ; étape 8 bis : baguenauder pour mettre la main sur le potentiel magasin d'une enseigne d’électronique et électroménager du coin parce que quitte à se faire entuber, il préfère que ce soit par un vendeur qui touchera sa com' et qui lui parlera en des termes qui comprend. Puis il a déjà embêter Gideon pour l'achat de la maison, il peut pas lui demander aussi pour l'achat de la télévision surtout que lui, il ne viendra jamais. Non, lui, c'est un peu comme Abner, sa primauté d'ainesse fait qu'il ne se déplace pas lui même, il envoie les autres en leur faisant croire que la décision vient d'eux.
Bon, Ira. Et si tu répondais aux questions de la dame, hein ?
"Ah non, je ne peux pas dire que je connais bien le coin , je suis arrivé ..."
Son front se plisse. Foutu gestion de la temporalité, ils ont eu beau dire à la rééducation, ça se récupère pas vraiment, vraiment pas facilement ce truc.
"Il faut quoi ... un mois pour acheter une maison ? Un truc comme ça ? Quand vous faites l'apport en cash ... Ça doit faire du coups moins de deux mois que je suis là. Ah et vous inquiétez pas, pour la perfusion, j'ai l'habitude depuis le temps, je sais à peu près ce que je dois faire pour pas que ça s'arrache et au besoin, je sais me la remettre."
Non, il n'en a pas eu assez de faire enguirlander toutes les heures en rééducation à cause de ça. Il élude la dernière question ou plus exactement il répond volontairement à côté
"Faudrait que j'attende ma sœur Patience mais elle va mettre des plombes à arriver. Enfin, pas à Bar Harbor, ça , ça devrait aller. Elle est écrivaine, ma sœur, vous avez probablement déjà lu ses bouquins au vu du nombre qu'elle vend. Non, mais après faut qu'elle me trouve, vous voyez. Sauf qu'elle est nulle pour ça. Parce qu'elle doit écrire son nouveau bouquin en même temps . Donc elle va se trouver un café pour l'écrire jusqu'à ce que les autres lui rappelle qu'elle est censé de me retrouver. Fin ceci dit, là, ça m'arrange pas. Là, je suis ici , et y'a personne pour s'occuper de mon chat tant que je suis coincé ici ..."
Ah mais ...
"Tiens d'ailleurs, vous pourriez pas faire ça ? Il est très gentil, il s'appelle Hyrum, comme mon frère, il tombe amoureux de trucs improbables, son dernier kink, c'est les jantes de 4x4. Faudrait juste lui remettre des croquettes dans le distributeur , lui donner un peu de pâté parce qu'il adore ça , lui gratter un peu derrière les oreilles, vérifier que la fontaine à eau fonctionne et lui dire que je reviens vite. Fin, parait que les chats ont pas la notion du temps qui passe mais ça le rassurera."