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Eryn prenait peu à peu ses marques. Après tout, cela ne faisait pas si longtemps qu'elle avait retrouvé le goût de la liberté. Son objectif principal était de redécouvrir le plaisir de vivre. Bien qu'elle passe beaucoup de temps seule et ne parle à personne, elle appréciait étrangement Bar Harbor, son atmosphère, et ses habitants qui semblaient si... purs et innocents.
Il lui avait fallu quelques jours avant de se décider à s'intégrer, à retrouver un emploi et une sorte de routine. Rapidement, elle avait intégré les forces de l'ordre de Bar Harbor. Cela lui semblait trop simple, et étant donné qu'Eryn était convaincue qu'une tuile lui tomberait dessus tôt ou tard, elle restait sur ses gardes en permanence.
Ce jour-là, elle était à son bureau, celui qui lui avait été attribué, et elle tentait de s'y habituer. Ce bureau ne ressemblait en rien à son précédent. Sur son ancien bureau, il y avait une jolie photo de famille, ainsi qu'une de son mariage. Aujourd'hui, Eryn n'avait plus rien de tout cela. Pas la moindre nouvelle de ses enfants. C'était ce qui lui faisait le plus mal, sincèrement... Mais avec sa force de caractère, elle ne se laissait pas abattre. Elle devait avancer et écrire le début du reste de sa vie, malgré un passé chaotique et dévastateur. Miller, la femme d'Otter Creek est revenue. Va jeter un coup d'œil et fais un rapport sur ce fameux Ira , avait dit son collègue alors qu'elle se redressait sur son siège. Ira ? pensa-t-elle. Sa réflexion se lisait sur son visage. Elle n'avait jamais croisé de personnes portant ce nom, sauf une. Une personne qui avait fait partie de sa vie. Une personne qui avait fini par lui tourner le dos.
Eryn n'avait pas mis plus de quinze minutes pour arriver devant l'adresse qui lui avait été indiquée. Détachant sa ceinture, elle souffla. Ce n'était certainement pas la personne à laquelle elle pensait. Lui ne devait probablement plus se souvenir de son nom, ni même s'il était encore en prison ou non. Descendant de sa voiture, elle referma la portière et se dirigea vers la porte de la maison. Elle hésita un instant avant d'appuyer sur la sonnette pour annoncer sa présence. Reculant d'un pas, elle jeta un coup d'œil autour d'elle pour repérer quelque chose d'anormal. Après tout, elle n'était pas là pour prendre le thé, mais dans le cadre de son travail. Le temps lui semblant long, elle frappa contre la porte. Agent Miller, ouvrez la porte, ne me forcez pas à l'enfoncer , dit-elle d'une voix ferme.
@Ira Kipling
Ira avait enfin trouver son point de chute pour l'instant définitif. Et quel point de chute. Visiblement, c'est ça, quand on a les moyens. Otter Creek. Des arbres. Beaucoup d'arbres. Hyrum est ravi. Il a fallu une ou deux fois d'un arbre trop grand les premiers jours, parce que c'est un chat, hein, quand même, mais il semble avoir compris. Pourquoi Otter Creek. Peut être parce que c'est l'endroit où on lui a fait le moins de difficultés quand il a voulu chercher une location longue durée alors qu'il ne peut justifier d'une activité quelconque ni d'aucun garant . Il aurait pu. Il aurait suffit de demander à Gideon, Temperance, Patience ... les autres. Mais ça aurait été donner un trop gros indice sur l'endroit où il se trouve . Quoi qu'ils ont l'air d'avoir trouvé, les appels ont considérablement réduits et il n'a vu aucun détective privé tenter de le suivre. Pour l'agent d'Otter Creek, il a suffit de montrer l'état de son compte en banque sur les deux dernières années. Le type a pas posé plus de questions. Pire, il y a eu indiscrétion parce qu'Ira a été démarché par certains de ses collègues. Très vite, il n'a pas été questions de location mais d'achat. Ira s'est dit que c'était une bonne idée, finalement . Au moins, pas de problème de loyer. Par contre, il s'est posé la question fatidique. Est-il en mesure de payer comme ça. Il a eu son réflexe d'enfant qui l'a démangé. Quand tu as un problème ou besoin d'un avis, tu appelles Gidéon. Y'a une série, comme ça, avec un avocat qui s'appelle "Better Call Saul" . Chez eux, dans la fratrie, c'est "Better Call Gideon". Pas que Gideon ait à voir avec le scénario mais c'est un réflexe. D'autant qu'acheter veut dire devoir lire et signer des longs, longs contrats . Avec plein de lettres et pleins de mots. Alors Ira a appelé Gideon
Gideon était fâché. Mais il n'a pas tempêté. Il n'est pas Temperance. Il n'a pas explosé. Il n'est pas Patience. Il a juste attendu un long moment dans un silence froid. Il attend. Les mots qu'il veut entendre. Alors Ira s'est excusé. En trois mois. L'avantage de Gideon, c'est qu'il ne demande jamais pourquoi. Il se contente des faits et là, en l’occurrence que son petit frère veut acheter cash une maison à Bar Harbor. Ok. Très bien. Il a raccroché. Dix minutes plus tard, Ira reçoit le coup de fil d'un ami de Gideon, avocat spécialisé dans l'immobilier aux États Unis. Il s'occupe de tout. L'agent immobilier déchante un peu. Il pensait avoir à faire à un type un peu perdu facile à légèrement pigeonner sur les bords , il se retrouve devant le représentant d'un cabinet à 3 noms de New York qui a l'air de bien, bien s'y connaitre. C'est comme ça qu'Ira a eu sa maison. De ce qu'il a compris, avant lui, y vivait une dame veuve d'un certain âge. Quand elle a quitté ce monde, les enfants ont revendu tout ce qui était revendable , récupéré tout ce qui était récupérable et ont voulu vendre la maison. D'après les indiscrétions de l'agent immobilier, ils ont fait des placements hasardeux qui les ont ruinés.
Cette maison, même presque vide, Ira l'aime bien. Elle a une odeur, elle n'est pas non plus immense, juste ce qu'il faut . Un salon, une véranda, une cuisine ouverte, un bureau , deux salles de bains et quatre chambres à l'étage. Un morceau de jardin. Aucun meuble pour l'instant. Ira n'a pas encore trouvé l'inspiration ou le besoin de meubler l'endroit. Il dort sur le vieux canapé, seul relique laissé dans l'endroit. Il n'a pas vraiment de vaisselle, juste une bouilloire premier pris et deux tasses. Sa valise trône ouverte dans un coin. Il faudrait qu'il meuble. Peut être reprendre contact avec Sue-Jean pour ça, toute luthière qu'elle est, elle avait l'air de s'y connaitre en meuble. Autant travailler avec quelqu'un qui lui a l'air sympathique. Mais sa jambe est douloureuse dernièrement. Il faudrait qu'il aille voir un médecin. Il n'aime pas les médecins. Puis, il a une voisine qui le chercher des noises. Il n'a pas bien compris pourquoi. Elle a l'air de le trouver louche, lui et son chat baladeur. C'est vrai que physiquement, il ne correspond pas tellement au standing de l'endroit. En tout cas, elle lui fait crasse sur crasse. Parait que c'était déjà le cas du temps de l'ancienne propriétaire. C'est fou ce dont les gens sont capables quand ils s'ennuie.
On tape à la porte. Dans un premier temps, il pense que c'est encore elle, alors il prend son temps. Il a sa bouche pâteuse post sieste sieste, il était en train de dormir sur le canapé avec le chat. Il repasse son éternel pull vert sur son tee-shirt , se frotte les yeux. Il range un peu la couverture en pilou grise sur le canapé , cherche sa canne des yeux . Encore perdue. On verra plus tard. Doucement Ira se redresse, boitille douloureusement jusqu'à la porte. On parle. Il se fige. Eryn. C'est Eryn. C'est sa voix. C'est elle, forcément elle. Qu'est ce qu'il doit faire. Qu'est ce qu'il doit dire. Il ne sait pas. Cela fait un mois et demi qu'il prépare cette rencontre tout en la fuyant consciencieusement. Inspire, Ira. Hyrum le chat a suivi, se frottant contre sa jambe valide. Inspire, Ira. Ça va bien se passer. C'est maintenant que cela se joue. Lentement, il déverrouille et ouvre la porte. Sourit.
"Pourquoi tiens-tu tant que ça à défoncer ma porte Eryn ?"
Le ton est habituel pour lui, presque badin. Il s'écarte pour qu'elle puisse rentrer.
"C'est bien. Tu as l'air en pleine forme. Pour quelqu'un qui devait être décédée. "
Il s'éloigne en clopinant vers la cuisine.
"Entre, je vais nous faire un thé. "
Ira, ici ? Eryn y croyait très peu, mais une partie d'elle espérait un peu... Espérer ? Pourquoi ? Elle n'en savait pas grand-chose... Mais comment pouvait-il se trouver ici à Bar Harbor, dans un endroit inconnu au bataillon avant même qu'elle ne cherche sur Google la destination la plus perdue des États-Unis. Lorsqu'elle avait fait le chemin vers cette maison, tout un tas de questions avaient défilé dans son esprit, parfois sans réponses... Le temps lui semblait si long avant que la personne ouvre la porte et quand ce fut le cas, son cœur avait raté plusieurs battements lorsqu'elle avait remarqué la silhouette qu'elle pensait, celle de son ami. C'est la procédure et je la respecte, avait-elle simplement dit en le regardant de haut en bas.
Lorsqu'il lui laissait la place pour entrer, c'est ce qu'elle faisait, regardant alors autour d'elle en entrant dans la maison. Elle se doutait bien qu'il n'y avait probablement rien de dangereux ou de bizarre, elle connaissait assez bien Ira pour le dire. Ses sourcils, eux se froncèrent lorsqu'il parlait d'elle, décédée ? Quoi ? N'importe... Qu'est-ce qu'il racontait ? Tu dis n'importe quoi. Je sais que me jeter de ta vie avait été une étape, mais de là à faire de moi quelqu'un de décédé, c'est un peu mal poli, disait-elle en haussant les épaules, s'avançant un peu en regardant autour d'elle. En tout cas, ça sentait son parfum, elle le connaissait malgré les années.
Faire du thé ? Tu crois que je suis venue ici pour siroter un diabolo menthe ?, avait-elle dit en le regardant, secouant un peu la tête, dépassée par ce qu'il se passait autour d'elle. Elle retrouvait son ami, il lui parlait d'elle comme une personne décédée et en plus de ça, il voulait lui faire un thé ? Ta voisine a appelé plusieurs fois. Je suis venue ici pour vérifier que tout soit ok, Eryn le regardait, de haut en bas en hochant la tête. Tu t'es lancé dans des trafics bizarres ? J'ai raison de m'inquiéter ? Dois-je croire ta voisine ?, demandait-elle, sachant pertinemment qu'Ira n'avait rien de bizarre, enfin sauf si les choses avaient radicalement changé ? Il avait toujours été droit, admirable et remarquable. Il n'avait jamais eu rien d'un mauvais garçon, d'un bad guy.
@Ira Kipling
La procédure. A d'autres. Il la connait aussi bien qu'elle la procédure. Alors, certes, il y a peut être quelques différences entres la jurisprudence étasunienne et canadienne mais aux dernières nouvelles on ne défonce pas légalement les portes des gens quand on est seule officière sur place et que rien ne laisse présagé un danger. Et d'ailleurs, si danger il y avait eu, elle aurait du d'abord attendre du renfort. Il la connait suffisamment qu'Eryn et "procédures respectées" sont de parfaits synonymes, encore heureux parce que lui, la procédure, ça a toujours été un concept un peu abstrait. C'était son travail à elle, la procédure. Alors il ne lui en tient pas rigueur et se contente de lever ostensiblement les yeux au ciel devant sa bouilloire sur son plan de travail très vide. C'est qu'il n'a jamais vraiment servi jusque là. Pour l'instant, quand il a faim, il va se prendre un truc à emporter et mange sur un coin de comptoir dans les bars et au diner. Il regarde son mug dans l'évier , la théière vide achetée dans une boutique complétement au pif en se disant que ça lui permettrait de faire des économies en thé, de faire de pleine théière plutôt que petits sachets par petits sachets. Surtout qu'il carbure au thé en vrac, qu'il trouve plus économique et bien meilleur.
Ah. Visiblement on ne lui a pas dit. Visiblement quelqu'un à interféré. Ce n'était pas d'elle. Pourtant il avait cru. Il avait cru qu'elle avait intrigué pour lui annoncé sa supposé mort pour qu'il puisse vivre ou une autre connerie du genre. Enfin c'est ce qu'il avait déduit quand le détective lui avait confirmé qu'elle était toujours de ce monde et accessoirement à Bar Harbor comme il l'avait supposé lors de ses recherches. Ira soupire, pose la bouilloire sur son plot pour qu'elle fasse chauffer l'eau et clopine doucement jusqu'à la valise, sans un mot. Pour elle qui le connait si bien, c'est parfaitement inhabituel. Finalement, ce n'est pas si mal qu'il n'ait rien préparer. Ça n'aurait servi à rien .
Doucement, Ira s'abaisse pour fouiller dans une poche de la valise pour en sortir une enveloppe en papier gaufré, celle qu'on envoie pour les mariages. Et les enterrement. Sa colère lui fait mal, plus qu'il ne voudra bien l'avouer. Il ouvre l'enveloppe toujours impeccable pour en sortir le dit faire-part qui lui a visiblement un peu gondolé. C'est que le papier gaufré, ça ne résiste pas très bien aux larmes, figurez vous. Il revient vers elle, toujours calme et lui tend avec grande précaution, comme on tend un objet précieux.
"J'ai reçu ça quand j'étais à la clinique de rééducation à Montréal."
En belles lettres informatiquement calligraphiées, on lui annonce le décès en détention d'Eryn avec son nom de femme mariée. Pas de date. Formulations habituelles dans ce genre de circonstance, terriblement froides. Et une petite note en caractère courrier qui dit que la cérémonie se fera à huis-clos, en présence de la famille proche uniquement . Comprendre que rééducation ou pas rééducations, sa présence n'était pas souhaitée.
"Tu veux un ou deux sucre dans ton thé ? Ou pas du tout ? Après on s'installe sur le canapé et on parle de mes supposés trafics imaginés par ma chère voisine dont j'ai contrecarré les projets d'achat du terrain pour construire une piscine ou que sais-je ?"
Eryn était désolée envers tous ces tourments de la vie qui avaient tendance à monopoliser son esprit, mais là, c'était... Ira. Ici, à Bar Harbor ? Elle était pourtant certaine de ne plus faire partie de sa vie à partir du moment où les jours sans lui ont commencé à se compter en mois. Et puis, un jour elle avait compris qu'il ne viendrait plus, elle avait arrêté de compter et était certaine que comme tout le monde, il avait fait le choix de ne plus venir la voir. Une période difficile pour Eryn qui essayait de calmer son innocence et qui à côté de ça voyait son époux lui tourner le dos ainsi que tous ses enfants, son frère et sa sœur. Elle s'était retrouvée seule.
Eryn prenait le papier tendu par Ira, elle ne comprenait pas trop, sa venue était déjà folle mais quand il avait dit qu'elle était censée être décédée, elle crut rater un épisode, peut-être même quinze à ce stade. Elle lisait le papier, un faire-part comme elle aurait fait envoyer à sa mort, malheureusement pour certains, elle n'était pas décédée et avait du mal à comprendre qui aurait véhiculé un tel message. Je... Je ne comprends pas qui a bien pu faire ça. Je ne suis jamais morte et je n'ai jamais prétendu l'être. Et puis, Eryn se demandait si cette raison était la même pour ses enfants. Pensaient-elles depuis tout ce temps qu'elle était morte ? Peut-être que leurs non-visites en prison étaient justifiées par ça ? Une partie de son esprit espérait, l'autre savait.
La jeune femme avait bien remarqué que son ami avait changé et lorsqu'il parlait de rééducation, elle essayait de faire les liens, sans être trop intrusive, ne souhaitant pas le forcer à parler de ce qu'il ne souhaitait pas. Au centre de rééducation? Demandait-elle dans un premier temps. Ira, qu'est-il arrivé en mon absence ? Eryn avait été impuissante tout ce temps, étant enfermée elle n'avait même plus vraiment eu cette notion du temps comme on l'avait en pleine liberté. Un seul sucre suffira. Disait-elle simplement tandis qu'elle essayait de coller les morceaux pour essayer de comprendre pourquoi ? Et surtout : qui ? Puis, elle l'écoutait parler de sa voisine d'une oreille à moitié assourdie par ses pensées. Je... Oublions la voisine, elle est venue au moins quatre fois pour des choses différentes c'est... Dès qu'on la voit on sait déjà à quoi s'attendre. Disait-elle en soupirant un peu en se frottant le visage d'une main. Pourquoi t'es pas venu vérifier si j'étais vraiment morte ? Je pensais que tu avais juste fait comme tout le monde, tirer un trait sur moi et fait le choix de me jeter de ta vie.
@Ira Kipling
Ça aurait pu être elle. Vrai ou pas vrai, ce faire-part aurait pu vouloir tout et rien dire. Est ce qu'elle comprendrait un jour ? Peut être pas. Il n'aurait pas compris à sa place. Mais bon, le simple fait qu'il ait un faire-part aurait paru louche dans son cas à lui. Peut être que dans le discord familiale, il y aurait un jour un channel "dernière volonté" qui s'ouvrira. Quand les plus âgés passeront le cap de la soixantaine ou que quelqu'un, il ne le souhaite pour rien au monde, se découvrira un cancer ou tout autre maladie terrible et que la questions se posera. En attendant, ne pas se poser la questions, c'est faire comme si elle n'existait pas et la planquer sous le tapis , jusqu'à ce qu'elle devienne trop grosse. Elle ne l'a peut être pas prétendu mais quelqu'un l'a fait pour elle et il ne pouvait pas savoir. Puis en plus, il n'était pas en état de savoir, à cette période, il était shooté aux antidouleurs donc bon, la réflexion, il en était pas trop là. Puis elle lui tends une perche, beaucoup trop grosse pour qu'il ne puisse l'ignorer, lui et ses deux mugs de thé à menthe qu'il pose sur ce qui fait office de table basse (une caisse en bois).
"Alors, il s'est passé pleins de chose. Je t'avais expliquer que ton remplaçant était un connard. Alors, je te le répète, ton remplaçant était un connard. Un connard de dernière. Je comprends pourquoi son ancien binôme voulait s'en débarrasser. Je sais pas combien de temps on a tenu ensemble. Jusqu'à ce qu'il tabasse mes contacts. Puis genre, même pas les pas nets que j'avais pas Hyrum ou par les anciens clients de Gideon avant qu'il soit célèbre dans son milieu. Tu te souviens de le dépanneurs vietnamien chez qui on se posait lors des rondes de nuits pour se trouver un café pour une pause ? Bah cet abruti a voulu partir sans payer. Ça a été la goutte de trop. On s'est expliqué. Fin du binomage du coup. Mais je crois que j'avais encore le droit de te voir à cette période . Donc tu sais déjà. Ou pas. Je ne sais plus. C'est un peu vague dans ma tête. Et puis après, il y a eu pleins de chose. Puis le papier là, je l'ai reçu à la clinique et à la clinique ils étaient moyens chaud pour me laisser partir d'autant que la toubib en cheffe était une pote de Sela et donc qu'on me veillait comme du lait sur le feu. Et puis quand j'ai pu sortir et mon traitement a été moins lourd, je t'ai cherché, sauf que ça prend du temps, de tomber sur le bon truc , le bon article, le bon message. Je sais mieux me servir d'un ordinateur d'ailleurs maintenant. Bon, je tape toujours avec deux doigts, Temperance se moque de moi, Salathiel aussi mais au moins ça suit ma réflexion et mon orthographe."
Hyrum, Gideon, Sela, Salathiel, Temperance... Tant de prénoms qu'Eryn avait entendu régulièrement pendant de longues années sans jamais pouvoir mettre un visage dessus, si bien qu'elle aurait pu décemment douter de leurs existences. Parce qu'Ira les sort comme on sort un as de sa manche pour peupler ses histoires et ses propos, expliquer certaines décisions et choses improbables de sa connaissance.
"D'autant que je me suis un peu baladé , entre Montréal ... Edmonton chez ma mère mais je devais être trop insupportable ... ou alors Maman n'était pas d'accord avec mon interprétations des romances sans paroles de Mendelssohn. Tu connais les Romances sans Paroles ? C'est joli , pas trop compliqué et ça s'écoute bien. C'est mélancolique aussi, pas trop joué, donc ce n'est pas un tube ressorti à toutes les sauces. En tout cas, je suis heureux, tu sembles bien allé et t'être bien installer. Je voulais juste en être sûr. Pour le reste ... Moi je n'ai plus aucune obligation et tout le temps du monde. Ma famille n'a pas encore envoyé la cavalerie. On peut donc dire que cela dépend de toi et ta décision."
Il a encore louvoyé, elle a du le voir arriver à des kilomètres. Il ne parlera pas de lui, jamais directement. Elle pourra le cuisiner autant qu'elle veut, elle ne tirera rien de lui, rien d'autre que son sourire embuée par les vapeurs de son thé qu'il hume longuement, les mains légèrement tremblantes.
Peut être qu'elle le déteste encore plus maintenant.
Eryn écoutait Ira parler, désolée d'entendre ce qu'il avait eu à vivre en son absence, même si certaines choses ne l'étonnaient pas. Son binôme. Comment trouver mieux qu'elle ? Cette pensée lui arrachait un sourire, bien qu'elle était désolée qu'il ait eu à subir tout ça, il ne le méritait pas. Personne ne le méritait. Je suis sincèrement désolée d'entendre que tu aies vécu tout ça, tu ne le mérites pas... Personne ne le mérite. Pas même elle. Ces années avaient été sincèrement difficiles, mentalement, elle avait craqué à plusieurs reprises. Ne pas être entendue, c'était difficile, crier son innocence sans même être entendue ou prise au sérieux. Elle ne compte plus le nombre de fois où on lui avait rigolé au nez. Ira, je suis sincèrement désolée que tu aies été amené à penser que j'étais... Morte. Je ne sais pas qui a fait ça, comme tu te doutes je n'avais de contact avec personne et j'ai simplement attendu que tu reviennes me voir, jusqu'au jour où je me suis dis que comme tout le monde, tu ne viendrais pas, que tu m'avais toi aussi tourné le dos. Et ce jour où elle avait pensé ça, Eryn avait eu mal. Sa famille restante, c'était lui à défaut d'avoir vu tout le monde tourner le dos... Il avait été le seul à lui tendre la main.
Eryn soufflait un peu, se frottant le visage d'une main avant de le regarder. J'ai rien fait.. Et je sais que c'est compliqué à croire quand on a passé des années en taule avec l'étiquette coupable, meurtrière ou encore psychopathe Mais, tu sais quand ils ont enfin compris que j'y étais pour rien, je n'ai eu qu'un chèque pour payer mon silence et pour pouvoir refaire ma vie qu'ils avaient détruite. Je suis sortie, je n'avais plus rien, personne ne m'attendait, personne ne savait tout simplement. Ma solution ? Partir. Loin, là où personne ne me regarderait comme quelqu'un que je ne suis pas, dans un endroit où je serais amenée à pouvoir me reconstruire. Et ça a été ici. Disait-elle en haussant les épaules. Ira méritait de savoir ce qu'il s'était passé, il avait tant fait partie de sa vie qu'il méritait de savoir. C'est pas facile tous les jours en réalité, mais on s'accroche, il le faut.
Ira semblait tellement différent, sans être différent. Son visage... Eryn voyait très bien qu'il avait vécu des choses et jamais elle ne le forcerait à en parler. Elle le regardait, sa main tremblante, puis son regard se reposait sur lui. Je suis contente de te voir Ira. Sincèrement. Elle lui adressait un petit sourire. Tu as toujours été spécial à mes yeux et savoir qu'aujourd'hui, tu es là et... Comprendre que tu ne m'as jamais tourné le dos, ça me fait chaud au cœur. Vraiment, tu n'imagines pas à quel point ça fait du bien de savoir que quelqu'un a continué à croire en moi. Je pense que j'avais besoin de voir un visage familier à Bar Harbor, je ne peux pas l'expliquer mais depuis que je sais que c'est bien toi, je me sens moins lourde au niveau des épaules..
@Ira Kipling
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