La lune fait de nous ses frères et sœurs
@Iris Quinn @Alyha Jäger
Je sens une vague de fierté m'envahir en voyant Iris aussi concentrée sur les derniers détails du tatouage.Tout comme je sens cette pression qui monte, par ce qu’en jetant quelques coup d’oeil discret a l’aiguille sur ma peau je sais que ça avance plus vite que je ne le pensais. Mais ce que je vois encore plus que le dessin qui se précise sur ma peau c’est qu’elle est dans son élément, maîtrisant chaque geste avec une précision qui force l'admiration. Même si comme a son habitude elle peut paraître brute de décoffrage, je sais qu'elle met tout son cœur dans ce travail, et c'est exactement ce dont j'ai besoin à cet instant. Elle se redresse, et me tend le miroir, je prends une grande inspiration avant de jeter un coup d'œil. Le reflet dépasse toutes mes attentes. La cage brisée, le nid délicat, chaque détail raconte une partie de mon histoire, de notre histoire. De la naissance au foyer… Qui malgré tout ce que je pensais a l’époque n’était peut être pas plus désagréable que ce qui vient ensuite… La cage… Ces années où j’ai fini par perdre ma propre identité. Ces années qui m’ont mené ici. Et a cet instant je sais, je devine que quand je colibri aura pris son envol, ce sera le début d’une nouvelle histoire dans ma vie. Une nouvelle aventure que je devrais affronté quoi qu’il arrive. En accord avec moi même cette fois-ci. « Iris, c'est incroyable, » Soufflais-je alors, estomaquée devant le résultat. « ça dépasse totalement ce que j’avais en tête hier soir, tu as un talent dingue... »
Je sens son regard sur moi, et je sais qu'elle attend une réaction plus posée. « Sérieusement, c'est parfait. Les détails du nid, la cage, les ombres… il paraît presque plus vrai que vrai » Mes mots sont calmes et posés, même si mon sourire prouve que ma bonne humeur n’a pas quitté l’atmosphère après ce moment intense. Elle me regarde avec cet air que je connais bien. La plus part du temps il m’était adressé quand j’en faisais trop et que je commençais a la fatiguer. Je devine alors qu’elle est à la fois satisfaite et prête pour une pause bien méritée. « Allez, on fait cette pause. Je vais chercher à grignoter, tu dois être crevée. »
Je me lève doucement, le brûlure douce et légère du tatouage tout frais irradie encore sur ma peau. Une sensation aussi étrange qu’enivrante étonnamment. Iris hoche la tête, récupérant ses affaires pendant que je me dirige vers la cuisine. L'odeur du café et des restes de notre petit déjeuner flotte dans l'air, et je ne peux m'empêcher de me sentir étrangement calme, comme si tout était à sa place.Peut être que ces lignes fluides sur ma peau sont venues comblé un vide. Raconter le début d’une histoire qui se devait de ne pas être oublié… pour pouvoir avancer. « Tu veux quelque chose en particulier ? » je demande tout en fouillant dans les placards, essayant de me concentrer sur la bouffe pour masquer l'émotion qui me submerge.
Alors que je prépare quelque chose à manger, je pense au chemin parcouru, à ce moment partagé avec Iris, et à ce tatouage qui marquera à jamais une étape importante de ma vie. Je me retourne pour la regarder, et dans ce silence confortable, je sens que rien de plus n’a besoin d’être dit. On sait toutes les deux que ce tatouage représente plus que de l'encre sur de la peau. C'est une marque d'amitié, de confiance, et plus que tout, un nouveaux départs.
Nous mangeons un morceau en silence, puis, comme a mon habitude, le calme semble inviter a parler. Alors la petite piplette se remet en marche " En vrai niveau douleur cest pas si insuportable ! ça se gère plutôt bien!"
La satisfaction de voir un tatouage parfaitement réalisé dans des conditions compliquées est très vite contrebalancée par le fait qu'Alyha a réenclenché le moulin à paroles, et que mes maux de tête sont en train de reprendre. J'ai les yeux éclatés, la gorge sèche, une grande envie d'aller aux toilettes, et j'pense bien que je pourrais manger n'importe quoi tellement j'ai faim. Tandis que le colibri continue de chanter, je ferme les écoutilles afin d'aller ingurgiter un nouveau doliprane. De toute façon, je vais en avoir besoin pour repartir sur la suite du tatouage. Puis je vois qu'Alyha est en train de préparer de quoi manger, avec ce qu'elle a pu trouver dans les placards. Débrouillarde la gamine. J'en profite pour aller m'allonger quelques minutes sur le canapé. Les yeux fermés, faisant le vide, je tente de récupérer un peu d'énergie. Puis vient l'heure du repas. Alyha a visiblement encore des trucs à raconter. Je comprends, elle veut partager ce moment avec moi, mais moi j'suis pas en super état là. Heureusement que c'est elle, parce que n'importe qui d'autre aurait déjà pris la foudre. Mais bon, elle est plus jeune, et quelque part, c'est encore un peu la gamine du foyer. Allez, je vais faire l'effort de "discuter" vu qu'elle n'attend que ça. Et bon, elle a raison sur un point, elle n'a pas du tout bougé pendant la séance. C'est à mettre à son crédit. C'est vrai, t'as bien géré. De toute façon, la douleur ne devrait pas être plus forte que ça. La seule chose qui te restera à faire, c'est de rester allongée encore deux ou trois heures le temps que je tatoue le colibri. Restée allongée deux ou trois heures, le rêve...
Nous finissons nos assiettes, d'un très bon goût d'ailleurs, avant de passer à la suite. Les médicaments semblent avoir fait effet. Par politesse, je prépare deux cafés, et au pire des cas, si Alyha ne le boit pas, ça m'en fera deux. Pas bête l'animal. Puis c'est l'heure de s'y remettre. On remet la musique, on pose le stencil de l'oiseau, et c'est parti. Malgré les difficultés, je donne mon maximum pour que le rendu soit impeccable. C'est ce que j'ai toujours fait, mais là, je dois y rajouter un petit supplément, un petit quelque chose qui va magnifier à coup sûr le dessin. Changement d'aiguilles, d'encres, de manière de tatouer... C'est presque une évaluation que je suis en train de passer. Et petit à petit, alors que mes yeux piquent et que je me suis surprise en train de bailler plusieurs fois, je sens ma concentration monter en flèche, jusqu'à atteindre un niveau jamais atteint. Je n'entends même plus la musique, ni le bruit de la machine. Il n'y a que moi, les aiguilles, et sa peau. Et après deux bonnes heures, c'est au tour du colibri d'être terminé. Wow, putain, j'ai vraiment donné tout ce que j'avais là. J'sais même pas quelle heure il est. Comme précédemment, je montre le tatouage à Alyha, et cette fois, il est terminé pour de bon. Voilà, tu viens d'entrer dans la grande familles des gens tatoués, félicitations. Je lui tends mon poing pour déclencher un check. Très important. Pour les soins, c'est super facile. Les 5 premiers jours tu le gaves de crème hydratante. Le soir, tu le rinces à l'eau froide et au savon au pH neutre. Si t'en as la possibilité, laisse le à l'air libre. Bon, c'est compliqué vu l'emplacement, mais ça c'est pas mon problème. Je continue à lui donner quelques conseils afin d'être certaine que le tatouage ne cicatrise pas mal. Sinon, c'est un coup à le flinguer, et ce serait vraiment dommage. Parce que si elle le flingue, je la flingue. Je vois qu'elle est émue de la globalité du tatouage. C'est là que je me rends compte qu'elle aussi a vécu des choses compliquées. Et de la même manière que mon premier tatouage, le sien a une signification très singulière. Allez, viens là moulin à paroles. Ou colibri. Ou la gamine. J'sais pas encore pour le surnom. Je la serre dans mes bras, pour la consoler, la réconforter. Mais ne t'habitues pas aux calins, j'suis pas tactile comme meuf. Enfin, sauf quand je baise quoi. Maintenant, si son altesse la princesse des colibris veut bien m'excuser, j'suis éclatée. Sans me retourner, sans un regard, je vais dans la chambre, m'écroulant de tout mon poids sur le lit. Il ne me faut que quelques secondes pour m'endormir, et je vais en avoir besoin vu ces dernières vingt quatre heures de folies. Merci Alyha.