All delighted people

Finalement, habiter un petit village s'est révélé plus intéressant que prévu. Lui s'attendait à une vie plutôt planplan à regarder les nuages, son portable continuer de vibrer de manière plus sporadique et baguenauder avant de se décider à enfin faire ce qu'il était venu faire à Bar Harbor , au pif, se présenter au poste de police par exemple pour demander où il peut trouver Eryn. Cet projet était visiblement en stand-by pour délai indéterminé. Si. Il fallait qu'il prenne son courage par la main mais il était plutôt fuyant l'animal, comme Hyrum quand il faut lui couper les griffes parce qu'il commence à craindre pour le canapé de Temperance ou ceux de la location actuelle...et étrangement, il craint beaucoup, beaucoup plus Temperance en furie qui menace du carpaccio de chat que de devoir filer sa caution au propriétaire de son logement temporaire actuel.

Oui, parce qu'il y a ça aussi. Vu que le projet est de rester un peu plus longtemps que ne le permette le contrat des locations temporaire, il serait peut être temps de trouver un nid où poser ses plumes, son chat, le matériel du chat et la valise bleue turquoise à moitié pleine. En tout cas, la ville était partie en mode "élection", élection à laquelle il n'allait pas pouvoir voter, son statut et son passeport canadien frappé d'un lion et d'une licorne affronté autour d'un blason (non pas de feuille d'érable à cet endroit) et cela faisait de lui un observateur et une oreille tout à fait privilégié, vu qu'il n'a pas voix au chapitre et donc pas besoin de donner son avis. Donc de se positionner dans les différents clans qui se montent dans la ville. Et les gens ont jamais eu autant besoin de parler, faut croire. Ça parle partout, avec un seul sujet de conversation. Le futur maire , vu que l'actuel a démissionné, encore le futur.. et pourquoi pas la future maire aussi, tant qu'on y est, vu qu'il y a une. Il faut croire aussi que, paradoxalement, le sujet des élections animent les esprits et les langues plus dans les petites villes que dans les grandes. Peut être que c'est plus simple de se rendre compte des effets d'une politique quand on connait tous ses voisins et que l'on sait que techniquement, le type qu'on pose à poste peut impacter demain sa vie quotidienne face à celui d'une grande ville qui semble si éloigné. Peut être aussi qu'il est plus simple de faire cohabiter et communiquer 5000 individualités plutôt que 200 000 dans une même discussion.

C'est la réflexion d'Ira, là, maintenant. Afin. C'était la réflexion d'Ira. L'actuelle est de se demander ce qu'il fait en milieu de matinée dans un parc avec un cappuccino dans une cup réutilisable a dit la serveuse. Il ne sait pas pourquoi il s'est retrouvé avec un cappuccino d'ailleurs. Il n'aime pas tellement ça en plus. Rectifions. Il a horreur de ça. Réfléchissons. Il se baladait... comme d'habitude. Il est tombé sur un café il sait plus trop où exactement qui faisait de la vente de café à emporter. Y'avait pas grand monde, il est rentré. On lui a d'abord demandé si c'était pour l'offre d'emploi affiché en devanture . Il a gentiment dit non, mais s'est lancé dans un long monologue discussion sur le bassin de l'emploi à Bar Harbor et la difficulté des emplois dans la restauration. A réfléchir, il a vraiment monopolisé et la file de gens qui attendaient derrière devenait vraiment , vraiment longue à croire que toutes la ville s'était donné rendez vous au même endroit . Ça explique probablement le coup de le cup écoresponsable, le cappuccino et surtout le fait qu'il n'a rien payé du tout dans tout l'échange.

En attendant, elle est là, cette coupe et on ne jette pas la nourriture. On ne gâche pas. On ne sait jamais quand on en manquera il faut en profiter. Même du cappuccino dégueulasse. Ira sonde l'environnement. S'il ne le boit pas, autant qu'il le propose à quelqu'un qui sera susceptible de le boire . Problème, il ne voit pas qui pourrait aimer le cappuccino. Alors Ira se concentre sur ce qu'il connait le mieux . Sa famille. Qui dans le gang aime le Cappuccino. Pas Gideon, il est plutôt ristretto avec sa femme . Hyrum (l'humain, pas le chat) aime pas le café, Sela boit des litres de café filtre comme tout bon médecin qui se respecte. Enoch. Enoch aime le cappuccino. C'est à dire qu'il faut qu'il trouve un double d'Enoch. Ou alors un stéreotype de jeune femmes qui aime le cappuccino, comme dans les séries?  Nouveau regard périphérique ... Ah ! Ira se redresse et boitille jusqu'à la jeune femme qui vient de passer la grille du parc.

"Bonjour . Vous aimez le cappuccino ?"

Elle n'est tatouée mais elle ressemblent aux héroïnes de séries sitcom qui aiment le cappuccino . Elle doit donc aimer le cappuccino. Bah quoi ?

Fantastique, la théorie marche ! Ce sera un truc à raconter sur le discord familiale tiens, quand il se décidera à y remettre une tête. Quand la chantilly de l'ire de la disparition sera retombée et qu'il ne risquera pas sa peau et/ou une balle perdue en y remettant un pied. Quand ils auront bien pris le temps de cacher le salon où ils ont coordonnés sa "recherche" suite à sa fugue. Il n'est pas allé voir mais il est absolument et intimement persuadé que ce channel existe et que, en fonction de qui l'a crée (au pif, Temperance en pétard) , elle n'a pas pris le temps de le configurer correctement au niveau des différentes permissions. Oui, il y a des permissions sur ce serveur. C'est qu'il ne faudrait pas que les enfants pas en âge tombe sur les discussions discutant du dernier roman de tatie Patience avec les détails et surtout les vocaux de Salathiel faisant la lecture des passages les plus croustillants. D'ailleurs, Patience n'y a pas accès non plus à ce serveur. Comme les mômes. Pas pour les mêmes raisons. Disons que tout ce qui l'ignore ne peut pas la faire sortir de ses gonds ? Non ? Ira est de toute façon bien trop content de pouvoir refourguer son cappuccino gratuit pour cause d'épuisement moral et social du barista.

"Parfait. Il est à vous. Bonne dégustation. S'il vous plait, il vient du café là bas."

Il désigne la porte par laquelle il est rentré. S'il peut se faire pardonner (oui parce qu'il est en train de comprendre ce qui s'est vraiment passé) en leur ramenant une cliente pas comme lui, il peut bien faire ça. C'est dans ces situations que l'absence d'Eryn se fait sentir. Il n'y a pas personne pour lui demander d'abréger et sauver son pauvre interlocuteur noyé sous des flux ininterrompu de mots. La barista de ce matin en aurait eu bien besoin.

Sauf que. Sauf que sa nouvelle victime lui propose une perche. Une grosse perche. Une énorme perche. Un véritable pot à miel qu'il ne peut pas ignorer. Enfin si, il essaie un peu. Tu as du boulot , Ira. T'es censé remettre la main sur Eryn justement . Eryn qui se trouve quelque part dans cette toute petite ville, à deux pas. Deux pas que tu n'arrives pas à franchir à cause de ta lâcheté et parce que tu n'arrives pas à te mettre d'accord avec toi même. En même temps, s'il avait un peu mieux organisé sa venue, il aurait su quoi dire/faire en arrivant. Il aurait préparé son petit pitch à faire en arrivant devant elle, avant qu'elle ne lui en colle une, parce qu'elle va forcément lui en coller une, c'est scien-ti-fique. Ca va arriver, pas besoin d'être devin et sa bonne étoile ne pourra rien y faire . Oui mais non. Jasmine (c'est le prénom de ladite futur victime) a lancé la partie du jeu verbale et il ne peut pas la refuser.

"Moi, c'est Ira. Je ne suis pas de Bar Harbor. Je suis un peu là par hasard. Parait que j'avais besoin de prendre l'air, les vacances. Tout ça. Du coup me voilà . Et vous ? Vous êtes touriste ? Vous visitez ? Qu'est ce qui vous amène ? D'où venez vous ? Vous le prenez où d'habitude votre cappuccino ? Ou vous vous êtes passé de cappuccino depuis votre arrivée ? C'est terrible, ça , j'espère que ce nouveau café vous sauvera. Je sais qu'une de mes sœurs, si elle a pas son café le matin, elle n'est plus bonne à rien. Ce qui est un peu embêtant pour une chirurgienne, vous conviendrez . Mais de ce qu'elle raconte, les infirmiers et infirmières avec qui elle travaille ont fini par comprendre le truc, surtout depuis qu'elle est titulaire de son poste. C'est la fierté de ma mère, ma sœur. "

Et pas que de sa mère à en croire l’intonation de sa voix