All delighted people

out of the forest, i come with my flowers
Parler de son passé n'est pas une chose facile pour Lorna. Psychologiquement, elle y a connu de nombreuses difficultés qui l'ont écrasé avec le temps. Le sentiment premier qui prend naissance en se souvenant de sa vie d'avant, c'est le regret de ne pas avoir eu le courage de tenter de sortir d'un cercle vicieux. Mais on ne peut pas dire non plus que cela fut une enfance malheureuse. Loin de là. Peut-être s'habitue-t-on à certaines situations. Il y a des choses qui paraissent normales, mais pour une personne extérieure, il n'y a pas grand chose de positif dans ce qui fut la vie de Lorna.

Son père et sa mère étaient originaires de Californie à l'origine, mais l'appât de l'or à très vite gagné le père de Lorna. Sa mère venait à peine d'apprendre sa grossesse qu'elle a accepté de suivre son homme espérant devenir riche grâce à l'appât du gain. Sans doute que personne n'a véritablement réfléchi aux avantages et aux inconvénients d'une telle décision. Mais quand l'or régit votre vie, on ne peut pas penser à autre chose. C'est comme des œillères qui se forment pour obstruer votre regard. On ne peut pas regarder ailleurs que le projet qui devient une obsession.

En soit, la mère de Lorna pouvait facilement trouver un emploi grâce à son diplôme d'infirmière, il suffisait juste de se mettre à jour selon les règles de l'Etat de l'Alaska. Mais les économies étaient présentes et la vente de la maison et de certaines affaires permettraient de survivre en cas de besoin.

Si les parents se sont plongés dans un espoir quasiment utopique, leur arrivé dans l'Alaska n'avait rien à voir avec ce qu'ils avaient imaginé. Être enceinte n'encourageait pas un hôpital à accepter la candidature. Et avec un mari aveuglé par la fièvre de l'or, elle ne pouvait pas compter sur lui. Les humeurs changent et les relations également, mais malgré cela, la mère de Lorna a persisté et prit le premier travail qui se présentait même si ce n'était pas celui espéré. Mais mettre à manger à table et payer les factures suffisaient à soulager la seule personne assez consciente de la réalité. Au moins, était-elle soulagé que son mari soit engagé auprès d'une entreprise parfaitement légale pour trouver de l'or même si les seules périodes de chance se trouvaient être de mai à septembre. Seul un fou pouvait exercer durant la période hivernale qui n'avait rien d'une partie de plaisir. À ce moment-là, le père de Lorna se devait de trouver un autre travail.

La poissonnerie semblait être la meilleure option, mais l'alcool entra bien vite en ligne de compte. D'abord pour se réchauffer le corps avant et après être partie du travail ensuite cela fut plus souvent. On ne peut pas dire que son père ait été un homme violent, mais ses périodes de dépression le menaient vers des instants où les mots pouvaient être d'une très grande violence. Le seul moment où il démontrait sa colère physiquement, c'était pour casser des choses. Mais sa femme le lui pardonnait s'éteignant devant la réalité.

Enfant, Lorna se cachait entourée de toutes ses peluches. Elle pensait que ce rempart lui permettrait d'échapper à ces assauts de colère. Autant, pouvait-elle aimer son père qu'à d'autre moment, elle le détestait. Il ruinait leur vie à force de boire et de s'énerver. Le comportement lunatique de cet homme ne permettait pas d'avoir un moment d'accalmie, loin de là. Mais heureusement, Lorna avait sa mère. Malgré son choix d'accepter cette vie, elle apprenait à sa vie de ne jamais dépendre d'un homme et de toujours se débrouiller. Là où les jeunes jouent et vivre dans l'insouciance, Lorna savait se gérer seule dès l'âge de 7 ans et savait comment gérer l'argent. Sa mère voulait lui apprendre comment ne jamais être démunie. De plutôt voir la solution que le problème. Bien entendu, sa mère jouait avec elle et se débrouillait à ce que Lorna ne soit pas trop éloigné de sa vie d'enfant. Mais la petite ne s'est jamais réellement sentie en accord avec les autres. Son esprit était bien plus mature que son âge. Elle préférait lire que de passer son temps dehors. Son livre de chevet, c'était le dictionnaire, les livres disney et sur la mythologie. Plus elle apprenait et vivait dans le rêve et plus elle acceptait de supporter son quotidien qui n'était pas toujours de repos.

En grandissant, Lorna continuait d'être en avance sur son âge. Mais malheureusement, ses angoisses prenaient le pas sans qu'on ne puisse le voir. Car ce genre de choses se forme dans le temps. Et quand on se rend compte de ces troubles, c'est déjà bien ancré en soi et on pense même qu'il est trop tard pour réagir. Ne se sentant pas en accord avec ses camarades, la jeune fille se contentait d'amis qu'elle pouvait compter sur les doigts d'une main. Les autres la délaissaient parce qu'elle n'avait jamais assez d'argent pour faire une sortie avec eux. Lorna a fini par prendre son partie en pensant que si l'on devait être ami avec elle juste pour ça alors le mot amitié ne devait pas être mentionné.

Son quotidien, c'était les cours, la maison, l'entretien et la lecture pendant que sa mère travaillait et que son père était on ne sait où. Si c'était pendant la période de l'or alors, elle savait qu'il était sur le chantier. Pour les autres moments de l'année, c'était à la poissonnerie ou bien au bar où la pauvre venait le récupérer parce qu'il était trop ivre pour manger.

À l'âge de 17 ans, la mère de Lorna a fait une rupture d'anévrisme soudaine alors qu'elle travaillait. Elle qui a pu faire ce métier d'infirmière qu'elle aimait tant, celle-ci n'en a pas profité autant qu'elle en aurait voulu. Les choses ayant pris un tournant plus que radicale, Lorna a pris conscience que son rôle allait être bien plus lourd. Bien sûr, elle poursuivit son quotidien s'efforçant de ne pas amener de problème, mais on pouvait sentir que l'angoisse la travaillait et l'empêchait d'aller en cours. Rien qu'à l'idée de sortir et de s'y rendre lui donnait la nausée jusqu'à en vomir. Quand elle se trouvait en cours, son esprit n'était pas posé, mais songé à ce qu'il se passait à la maison. Elle n'était ni une bonne élève, ni la plus mauvaise. Les seules matières où elle excellait, c'était les cours de littérature et d'art plastique. Le simple fait de savoir qu'elle lirait ou dessinerait, embaumait son cœur d'une chaleur qui lui faisait du bien.

À la fin du lycée, Lorna obtint donc son diplôme sans mal, mais elle a décidé de ne pas aller à l'université. C'était trop cher et elle voulait travailler. En fait, son père lui avait dit, c'était soit le permis ou l'université, mais pas les deux. Lorna a fait son choix, sans savoir que ce serait une torture pour elle. Ce fut très dur pour elle de conduire. Si elle est parvenu à avoir son examen du code du premier cours, le reste laissa à désirer. Pas assez confiante et à faire des crises d'angoisse durant les cours de conduite et aux examens. Lorsqu'elle l'a eu, elle s'est même demandée comme ça a été possible. Et ce ne fut qu'au bout de la troisième tentative.

La seule réponse que son père lui donna, c'est : Il était temps. Tu m'en as coûté de l'argent.

Autant dire que Lorna a été profondément blessée. Personne hormiss sa mère ne l'encourageait. Que ce soit son père ou bien à l'école, on ne peut pas dire qu'elle ait eu du soutien. Son premier travail fut un travail de serveuse. Même si le trajet était compliqué à cause de ces crises d'angoisse, elle s'obligeait à travailler. L'ambiance n'était pas mauvaise, mais Lorna a toujours eu tendance à se mettre la pression. Son seul plaisir au quotidien, c'était quand elle faisait du bénévolat au refuge pour animaux qu'avait ouvert le vétérinaire du coin. S'occuper de toutes ces boules de poils donnait un but certain à Lorna. La vie semblait plus supportable. Au fond, moins elle passait du temps chez elle et mieux elle se sentait.

Cependant, elle n'arrivait pas à quitter la maison où se trouvait son père. Il avait toujours une bonne raison pour freiner Lorna alimentant les craintes que la jeune femme avait déjà. C'était comme s'il avait compris comment tourmenter sa fille en passant pour un sauveur.

Forcément, quand on s'enferme dans ses peurs au point de s'éloigner d'une certaine forme de réalité, on ne se rend pas compte des personnes qui abusent de votre gentillesse. Plus elle vous protège et plus vous avez l'impression qu'elle pense à votre bien. Mais ces personnes n'ont pas toujours les meilleures intentions du monde. C'est d'ailleurs vers 23 ans que Lorna rencontra celui qui deviendra son futur mari. Il était venu boire un verre au bar où elle travaillait. Si Lorna voulait sortir de son quotidien, lui a saisi l'occasion de lui promettre monts et merveilles. Cet homme la trouvait belle dans son style fragile et dans les tatouages qui commençaient à naître sur son corps.

C'est sans prévenir son père, trop ivre d'ailleurs, qu'elle s'est mariée. Une erreur de jeunesse, elle qui peut paraître si mature par moment, là, elle s'est faite avoir comme une bleue. Au lieu d'être heureux pour elle, son père l'a mise dehors et n'a plus jamais voulu la voir sans savoir que Lorna allait connaître un bouleversement. Celui qu'elle pensait être un homme bien devint un homme physiquement violent avec elle. Lorna lui trouvait des excuses parce que c'est comme ça qu'elle a toujours vécu. Elle, qui pensait être malheureuse, ne l'était pas. Elle se pensait victime d'un mauvais karma. Comme si elle a été coupable de quelque chose d'horrible dans une vie antérieure.

Son mari a fini par vivre à son crochet, assis sur son canapé à boire et à regarder la télé. Au final, il ne valait pas mieux que son père. Un jour, Lorna a dit stop trouvant la force d'appeler la police et de porter plainte. Mais c'était parce qu'elle avait quasiment frôlé la mort. Au fond, ce fut un mal pour un bien parce qu'en osant dire ce simple mot. STOP. Elle a entamé un combat lourd pour briser une roue vicieuse qui tournait depuis bien trop longtemps.

Elle a donc entamé un long processus pour s'occuper d'elle. Une thérapie auprès d'un psychologue qui a mis des mots sur les maux dont elle souffrait. Au final, Lorna n'était pas folle, juste victime d'une vie qui n'a pas été saine pour elle. Elle a été bercé dans l'angoisse à un âge où on aurait dû la guider et tout a triplé au fur et à mesure que les années se sont écoulées. Lorna a également fait partie d'un groupe de parole de femmes et d'hommes battus trouvant en ces personnes une aide positive même si c'était un combat de s'y rendre à cause de la phobie sociale a pris vie en elle. À force de combattre tout ce mal en vous, cela vous épuise, mais c'est souvent l'insomnie qui vous guette.

Lorna était seule à affronter toutes ces choses. Lorsqu'elle a osé demandé de l'aide à son père, ce dernier l'a tout simplement ignoré en affirmant qu'elle l'avait bien cherché. Ce qui acheva plus encore Lorna et mit un terme définitif avec son père agrémentant le peu d'estime qu'elle avait pour lui et la haine qu'elle lui portait.

Prendre soin d'elle était l'objectif de Lorna. Vivre pour elle et qu'elle se fasse plaisir. Des termes totalement étrangers. Elle a décidé d'accepter l'offre du tatoueur du coin en devenant son élève. Depuis des années, il la relançait pour travailler sur son talent en dessin. Lorna pensait que ce n'était que des gribouillis ni plus ni moins, mais l'homme a vu bien plus dans les dessins de Lorna qui avait un véritable talent et qui pourrait nettement avoir un avenir dans l'univers du tatouage.

Pour la première fois de sa vie, Lorna a pris plaisir à se rendre à sa formation auprès de ce tatoueur qui devint une image paternelle saine qui l'encourageait et ne la descendait pas comme l'aurait fait son père. La peau de Lorna qui n'était couverte que de quelques tatouages se vit encore plus décorée.

Au bout de 3 ans après avoir fait sa formation et ses marques dans le salon de tatouage de son patron, Lorna a décidé de partir. Son ex-mari, dont le divorce a été prononcé quand il était encore en prison, fut libéré, la jeune femme a décidé de s'éloigner.

C'est un pur hasard qui la menait à Bar Harbor. Juste en pointant du doigt un point sur une carte et les yeux fermés. Pour une femme pleine d'angoisses et détentrice malgré elle d'une phobie sociale, c'était un grand pas. Mais elle se sentait prête.

Vous savez, ce sont parfois les personnes qui sont les plus apeurés qui en font tellement plus. Des choses que des personnes sans angoisse ni peur n'oseraient pas faire même sur un coup de tête.

Quand Lorna est arrivée à Bar Harbor, elle n'avait qu'un sac de vêtement, mais le compte en banque assez rempli pour se refaire une vie. Elle avait économisé et en vendant ses affaires, elle a pu arrondir le chiffre sur son compte. Lorna s'est donc acheté une petite maison avec un beau jardin. Un terrain assez grand pour réaliser son rêve. Un terrain qu'elle a fait proprement clôturé pour adopter un chien et rapidement un chat vint agrandir ce qu'elle appelle avec tendresse sa famille. La compagnie de ses animaux lui ont permis de mieux supporter son mal-être. Mais le changement de vie lui a permis de se révéler et de devenir une femme bien plus forte. Celle que sa mère espérait. En somme, être plus forte que cette dernière.

Dans l'avenir, Lorna espère ouvrir son propre salon de tatouage, mais pour le moment, elle travaille dans un petit salon sans prétention, mais assez populaire qui lui permet de manger et payer ses factures. Son quotidien est réglé presque comme du papier à musique et cela lui convient parfaitement. Cela lui offre un harnais de sécurité qui l'empêche de plonger dans ses crises qu'elle faisait à l'époque. Oh, bien sûr, elle n'est pas guérie. On ne peut pas en guérir, mais on apprend à vivre avec en sachant les gérer, voilà tout. L'appui de Thor et Loki l'aident énormément, c'est le meilleur des traitements dont on puisse rêver.

Malgré tous les obstacles et les épreuves, Lorna est satisfaite de sa vie. Changerait-elle pour autant les décisions qu'elle a pu prendre par le passé ? Pourquoi faire ? Elle ne serait pas la femme qu'elle est aujourd'hui. Lorna a compris qu'il y a une raison à toute chose. Il y a eu une raison pour la souffrance et une autre pour son bonheur. Le tout est de ne pas penser à ce qui aurait pu être ou ce qui sera, mais de s'ancrer dans le moment présent et de profiter pleinement.

Fermer les yeux et respirer à pleins poumons chaque jour qui se lèvent et sourire dès que le soleil se couche.

On peut dire que Lorna est heureuse. Tout ce qu'elle veut, c'est d'aller bien mieux encore pour accueillir de meilleures choses dans son existence.